r, mais qui est un peu rude
pour ses pauvres apprentis. Imaginez qu'il les bat comme platre, a
propos de rien et de tout.
--Vous a-t-il donc battu, ce mechant homme, mon enfant? dit Catherine.
Ce n'est pas dans son imprimerie qu'on imprimera mes vers, je vous
assure! Un homme qui bat les enfants est un vrai monstre! Vous etes donc
ouvrier imprimeur, mon cher enfant?
--Je le suis et je m'en fais gloire, repartit l'enfant.
C'est le plus noble des metiers, et je ne le changerais pas contre une
maitrise d'epicier ou d'orfevre. Et vous, madame, ne parlez-vous pas de
faire des vers? Oh! combien je serais heureux d'avoir a les composer en
beaux caracteres neufs, sans laisser passer des bourdons ni faire des
coquilles!
--Mon ami, lui dit-elle enchantee de son ardeur au travail, vous ne
m'avez pas encore fait connaitre votre nom?
--Je me nomme Jacques des Roches, repondit l'enfant avec modestie, et je
n'ai pas plus de douze ans, si je les ai...
--Jacques des Roches? s'ecria Catherine. Jacques des Roches! C'est bien
la votre nom, cher enfant?
--Assurement, Madame, c'est le nom qui me fut donne a l'hopital de Lyon,
quand on m'y apporta dans mon berceau.
--Jacques des Roches! repetait Catherine. Et vous avez douze ans, ou peu
s'en faut? Vous dites qu'on vous apporta dans votre berceau a l'hopital
de Lyon? D'ou veniez-vous, lorsqu'on vous y apporta, mon pauvre enfant?
--Je n'en sais, ma bonne dame, que ce qu'on m'en a dit, repliqua Jacques
des Roches, etonne et tourmente de l'agitation extraordinaire qui
s'etait emparee de sa protectrice. J'ai ete eleve dans l'hospice des
Orphelins a Lyon, et l'on ne m'y donnait pas d'autre nom que celui
que j'ai toujours porte depuis. J'avais sept ans ou environ, quand
un compagnon d'imprimerie, qui avait perdu un fils unique, offrit de
m'adopter et de m'apprendre son etat; ce qu'il fit, le digne homme,
et je profitai si bien de ses lecons, qu'avant ma dixieme annee, je
travaillais a la casse assez proprement dans l'imprimerie des Griphes,
les premiers imprimeurs de Lyon. Je gagnais honnetement ma vie chez ces
braves patrons, et j'y serais encore, si je n'avais pas eu le malheur de
perdre mon pere adoptif. Je pris des lors en horreur le sejour de Lyon,
et tout jeune que j'etais, je commencai a faire mon tour de France,
tantot comme compositeur, tantot comme garcon de presse. Le sort me
conduisit a Poitiers, il y a six ou sept mois, et je m'enrolai, pour
deux ans, dans l'imprimer
|