a lui appartenant. Grossier, inaccessible a
tous les sentiments d'affection et de reconnaissance, il subissait a
la fois l'influence de deux haines egalement implacables, d'une nature
differente: l'une noble et hardie, contre l'Italien Concini, marechal
d'Ancre, qui tenait le roi en tutelle et la reine regente en servage;
l'autre, basse et miserable, contre les marionnettes et le singe de
Fagottini qui faisaient une concurrence redoutable a ses vers et a sa
musique.
D'Assoucy conservait, d'ailleurs, son insouciance, et ne trempait pas
dans les deux haines de son maitre: il ne connaissait que de nom le
marechal d'Ancre, et il se divertissait au spectacle du singe et des
marionnettes, contre lesquels le premier page de musique tramait
sournoisement un complot, pour etre utile et agreable au Savoyard.
D'Assoucy, aspirait a se soustraire a cet esclavage insupportable et
essaya d'abord de l'adoucir par les licences qu'il se permettait en
trompant les yeux toujours ouverts de son perfide collegue et la
perspicacite clairvoyante de l'aveugle; il regrettait ses bonnes
aubaines d'autrefois et son aventureux vagabondage dans Paris, honteux
qu'il etait de se voir reduit a voler le chetif souper et le vin
aigrelet de son tyran. Combien de fois, en reconnaissant ses freres et
amis au milieu de l'auditoire du Savoyard, combien de fois ouvrit-il la
bouche pour les appeler a son secours! Mais un coup d'oeil jete sur son
grotesque deguisement lui faisait monter le rouge au front et le forcait
a se taire. Il n'aurait pas rougi d'etre pris en flagrant delit dans
l'accomplissement d'un vol adroit ou audacieux, et il se croyait avili
par son costume de baladin!
Il ne se contenta pas de faire main basse sur le maigre ordinaire du
Savoyard, qui, s'apercevant de la diminution des parts a la mesure de
son appetit et de sa soif, grondait entre ses dents et rudoyait son
premier page, seul charge de regler et de diriger toutes les depenses
de la table. D'Assoucy se rejouissait des mauvais traitements qu'il
attirait ainsi sur le dos de son compagnon. Quant a lui, qui avait le
role de presenter le bassin a la ronde pour la recolte pecuniaire parmi
les auditeurs du Savoyard, il faisait rapidement passer les pieces de
monnaie dans sa poche, et souvent rapportait le bassin vide au chanteur
aveugle, qui murmurait contre le malheur du temps et le resserrement des
bourses. D'Assoucy raflait toujours la meilleure partie de la recette.
Le lundi 14 av
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