dee, faute de miroir ou se regarder,
s'arma de resolution et d'audace, pour briller dans la mascarade
de madame de Soubise, qui ne le connaissait pas; l'incognito
l'enhardissait, et il sortit du logis d'Armand de Pierrefuges, sans
avoir ete apercu, marchant legerement sur la pointe du pied, de peur
d'eclabousser son blanc plumage. Il arriva, sans accident, dans la rue
des Tournelles, ou etait situe l'hotel de madame de Soubise. Dans les
rues desertes, que Scarron, deguise en diable, traversa comme une ombre,
il n'avait rencontre qu'une vieille femme, qui s'enfuit et tomba presque
morte de peur, au coin d'une borne, en recommandant son ame a Dieu et
a tous les saints; cette femme attira, par ses gemissements, quelques
voisins a qui elle conta l'effrayante apparition, que tous attribuerent
aux fumees du vin qu'elle avait bu; neanmoins, le bruit courut, dans
les environs, qu'une espece d'homme sauvage, emplume et cornu, s'etait
montre a plus de dix personnes, et on en conclut que le diable etait
venu faire des siennes dans le quartier de l'Arsenal.
Le diable ou l'homme sauvage avait penetre dans l'interieur de l'hotel
de Soubise, sans autre passe-port que son etrange deguisement, auquel
les valets, a moitie ivres, n'avaient pas pris garde, dans le tumulte
des masques qui arrivaient de toutes parts. Le vestibule etait mal
eclaire par deux torches, et la diablerie de Scarron n'avait ete vue
ni remarquee de personne. Il monta hardiment le grand escalier, et
s'introduisit d'abord dans une galerie, qui precedait la grande salle
du bal, etincelante de lumieres, embaumee de fleurs et retentissante de
musique.
Cette musique animee, cette foule bigarree de couleurs, cette
magnificence de ceremonial, cette lumiere eblouissante de chandelles de
cire, ne deconcerterent pas l'impudence de Scarron, qui se fiait a la
bizarrerie de son costume fantastique, pour obtenir un succes de franche
gaiete, sous les yeux de tout ce que la noblesse de cour avait de plus
raffine et de plus charmant. Ce n'etaient que Dieux et Deesses dans les
costumes les plus originaux, les plus riches, les plus gracieux, au
milieu d'une decoration theatrale representant l'Olympe, tel que les
poetes anciens l'avaient decrit. L'aspect enchanteur de cet Olympe, qui
eut fait envie a celui de la mythologie par la beaute des Deesses et la
galanterie des Dieux, exalta encore la folatre imagination du poete.
Il se mela, en bondissant, a une sarabande, que dansaient Mar
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