uins, que de
subir la tyrannie de ce diable, de ce paien, qui bientot m'ecorcherait
vif. Hola! assistez-moi, bonnes gens, pour l'amour de Dieu, sinon il
me tuera sans remission! Dites, je vous en prie, au bon Savoyard, mon
ancien maitre, qu'il me tire de cet enfer.
--Mordie! dit le Savoyard, frappe de cet accent plaintif, qu'il
reconnut: c'est toi, mon fils, c'est toi, fin voleur de cotignac! Dieu
te garde, mon enfant! Tu n'auras point en vain appele le Savoyard a ton
aide!
En parlant ainsi, l'aveugle, qui s'etait fait instruire du sujet de ce
tumultueux debat, descendit de son estrade, et, guide par les voix,
s'ouvrit un chemin, a travers la foule, jusqu'aux combattants sur
lesquels il fit tomber au hasard ses lourds poignets, comme des marteaux
sur l'enclume; d'Assoucy, il est vrai, recut la moitie des coups
destines au charlatan, qui etait un champion indigne de l'Hercule de la
chanson. Fagottini, neanmoins, ne lachait pas l'enfant, qu'il presentait
en maniere de bouclier a son formidable ennemi: mais ce bouclier vivant,
meurtri et contusionne, recommenca ses plaintes pour interesser les
assistants a sa delivrance, determine qu'il etait a ne jamais rentrer
sous la domination de l'un ou de l'autre maitre, egalement odieux et
redoutes.
--Ayez misericorde, et le bon Dieu vous le rendra! cria-t-il, en ne
s'interrompant dans ses prieres que pour eviter le choc de ce poing
pesant, qui menacait de lui briser le crane chaque fois qu'il retombait.
Sauvez-moi de ces deux ravisseurs, qui sont acharnes contre moi et qui
me retiennent captif, malgre ma volonte, depuis une annee de gene,
d'injustices et de privations. Je suis Charles Coypeau d'Assoucy, fils
aine d'un illustre avocat au Parlement de Paris, et peut-etre ma famille
croit-elle que je suis defunt a cette heure. Un ecu d'or a qui s'en
ira avertir messire Coypeau d'Assoucy, mon pere, en la rue des
Grands-Augustins, ou il demeure! Compatissez a mon destin malencontreux,
braves gens, si vous etes des chretiens, car vous voyez, sous ces
guenilles de comedie, le fils d'un avocat renomme! En verite, je vous le
dis, je suis Charles Coypeau d'Assoucy.
--Est ce bien toi, mon bien-aime Charlot? s'ecria un avocat en robe,
qui, revenant du Palais, vint a passer, tout charge de sacs a proces.
Certes, messieurs, c'est lui-meme, c'est mon propre fils, que j'avais
perdu depuis l'an dernier! Je vais, sur l'heure, dresser une procedure
contre ces larrons d'enfant, et le jugement
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