t et buvait, le
matin et le soir; il menait de front la danse, la musique et la poesie:
aussi, malgre sa jeunesse, etait-il recherche pour ses talents et sa
galanterie, dans ces assemblees qui composaient la belle compagnie a la
mode. Il depensait, en rubans, en passements d'or ou de soie, l'argent
qu'il avait et surtout celui qu'il n'avait pas, car il empruntait sur
son canonicat futur, pour avoir une toilette elegante conforme a sa
bonne mine: enfin, a l'age de dix-sept ans, il s'etait deja battu trois
fois en duel.
A cette epoque, le titre d'abbe, equivalant a un titre de noblesse, ne
prescrivait rigoureusement rien autre chose que le celibat; on avait une
abbaye comme une ferme, et un abbe pouvait etre courtisan, militaire,
artiste, tout enfin, excepte homme d'eglise. On ne distinguait les abbes
dans le monde qu'a leur petit collet et a leur costume noir. Il en
etait de meme pour certaines abbesses, que la possession d'une abbaye
n'empechaient pas de vivre dans le monde plus librement que dans leur
abbaye.
Le roi nommait seul aux benefices, qu'il distribuait selon son bon
plaisir, sans tenir compte de la position sociale ni du caractere
personnel du postulant. Cette singularite, passee en usage, ne
scandalisait pas meme les gens d'une piete sincere.
Paul Scarron devait la plupart de ses mauvaises habitudes a l'exemple
pernicieux d'un ami, qu'il imitait en toute chose, comme un modele
parfait. Armand de Pierrefuges etait une sorte de chevalier d'industrie,
qui se disait noble a trente-six quartiers, et qui, a la faveur d'un
nom sonore, se glissait dans les maisons les plus distinguees, ou il se
faisait remarquer par ses airs de gentilhomme, bien que le velours de
son manteau, la soie de son pourpoint, et les rubans de ses chausses,
n'eussent pas trop la fraicheur irreprochable reclamee par la mode; mais
il suppleait de son mieux aux desavantages de sa toilette par une belle
prestance, des manieres recherchees et un verbiage spirituel. Il n'avait
pas d'autre revenu que celui du jeu, et encore ne gagnait-il pas
toujours, s'il trichait souvent. C'etait lui qui endoctrinait son jeune
ami; lui, qui puisait dans la bourse de l'oncle par le canal du neveu;
lui, qui conduisait Scarron au bal, a la comedie et dans les tavernes;
lui qui l'avait rendu habile dans l'art de manier les cartes ou l'epee;
lui qui le presentait comme son eleve, en mauvaise compagnie, et comme
son cousin, dans les cercles de la place Royale. Sca
|