ement a differents supplices; il arrachait
les bras a celle-ci, et les jambes a celle-la; il dechirait en lambeaux
les robes dorees des princesses et cassait le nez a des majestes
royales, le tout avec un veritable raffinement de cruaute, qui eut fait
envie a un bourreau de la Greve. Un amas de membres rompus, de tetes
brisees, de bustes defigures et de debris confondus, ce fut bientot tout
ce qui resta de la troupe de ces innocents comediens.
Le Savoyard et son complice ne se retirerent que fatigues de carnage, et
contents de leur nocturne expedition, sans soupconner que le secret
en fut compromis, tous deux se felicitant d'avoir tue la concurrence
dangereuse de Fagottini sur le Pont-Neuf. D'Assoucy avait la pensee de
les suivre de loin, par derriere, et d'effectuer sa retraite a leur
suite; mais, en sortant, ils eurent grand soin de ne pas laisser ouverte
la porte de l'escalier, qu'ils avaient trouvee bien fermee, avant de
descendre dans le souterrain. Le grincement de la cle dans la serrure
apprit au temoin de leur mauvaise action qu'il serait encore prisonnier,
au moins toute la nuit. Il se resigna donc a prendre son parti, et, se
vouant a la protection du hasard, qui pouvait seul le tirer d'embarras,
il se rendormit du sommeil insouciant de son age.
Ce ne fut pas le jour qui le reveilla, mais un bras d'homme qui
l'enlevait par les cheveux et qui le deposa, tout tremblottant, devant
le cadavre du singe et les debris des marionnettes. Le seigneur
Fagottini, les yeux hagards, les joues tremblantes et les levres
blanches de colere, se preparait a interroger le coupable, en face de
ses victimes.
Le matin, des l'aube, sous l'empire d'un sinistre pressentiment, que lui
inspirait la mort tragique du marechal d'Ancre, il etait descendu dans
son caveau, et le premier objet qui frappa sa vue avait ete son pauvre
singe etendu sans vie, la bouche ouverte et les yeux sortis de leurs
orbites; puis, le desastre irreparable de la nuit s'etait offert a lui,
dans toute son horreur. Ses cheres marionnettes, qu'il avait quittees la
veille en si belle sante, n'etaient plus que des debris meconnaissables;
il contempla d'un oeil sec son malheur, posa la main sur la poitrine de
son singe pour y chercher en vain un battement de coeur, remua du pied
les morts et les blesses de sa troupe mecanique, invoqua dans sa langue
maternelle les saints et les saintes du paradis, et s'interrogea
lui-meme pour approfondir le mystere de ces laches as
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