la chapelle de son chateau. Mais l'enfant au berceau,
qu'il devait avoir avec lui, fut vainement cherche dans les eaux du
fleuve: on ne le retrouva pas. La mere aveugle presidait en personne
a ces recherches qui durerent plusieurs jours, et qui n'eurent aucun
resultat. Elle concut des lors un tel ressentiment, une telle horreur
contre son mari, a qui elle attribuait la mort de leur pauvre enfant,
qu'elle ne voulut meme plus porter son nom de veuve et qu'elle reprit
le nom patronymique de _Neveu_, en retournant s'etablir a Poitiers, sa
ville natale, ou elle ne comptait plus un seul parent, ni an seul ami.
Depuis dix ans, son unique occupation avait ete l'education de sa fille,
qu'elle avait faite aussi savante qu'elle, et dont elle reconnaissait
avec orgueil la superiorite intellectuelle, mais toute la peine qu'elle
se donnait pour cultiver et perfectionner cette belle intelligence ne
pouvait la distraire de son idee dominante, exclusive: la perte de son
fils.
[Illustration: La mere aveugle presidait aux recherches.]
Ce jour-la, apres deux heures consacrees a l'etude, dans la chambre de
sa mere et sous la direction attentive de cette tendre institutrice,
Catherine lui demanda la permission d'aller a la rencontre du savant
medecin Jules de Guersens, qui avait promis de leur faire visite dans
la matinee. Madame Neveu y consentit volontiers, car elle n'etait point
assez egoiste pour vouloir imposer a sa fille les privations qu'elle
avait a supporter elle-meme en raison de son infirmite.
--Va, mon enfant! lui dit-elle avec bonte, mais ne t'eloigne pas trop et
sois prudente en suivant le bord de l'eau, car, bien que le Clain soit
une riviere peu dangereuse et peu profonde, je n'en ai pas moins une
defiance involontaire a l'egard des rivieres.... Ne reste donc pas trop
longtemps absente, lors meme que le Clain, ajouta-t-elle en souriant,
t'inspirerait d'aussi beaux vers, que l'Hippocrene et le Permesse, ces
celebres sources de l'Helicon, en inspiraient autrefois aux poetes de la
Grece.
Catherine n'avait rien a changer a sa toilette, qui etait plus elegante
que luxueuse, et qui devait son plus bel ornement a sa gracieuse maniere
de la porter; elle se couvrit seulement la tete d'un chapeau d'etoffe
blanche, qui encadrait son joli visage, comme celui d'une madone
d'Italie. C'etait seulement pour se garantir du hale et du soleil,
en cette tiede matinee de printemps, qui s'annoncait par un concert
d'oiseaux dans les branch
|