uer le meilleur chemin et le plus
court, que Rabelais ne connaissait pas, pour arriver a la plaine du
Camp des Sorcieres, ou le sacristain, qui en avait oui parler en assez
mauvaise part, ne se trouva pas trop rassure, quoiqu'il fit grand jour
et que les sorciers qu'on accusait d'y tenir leurs assemblees fussent
sans doute occupes ailleurs. C'etait un lieu d'un aspect sauvage, mais
tres pittoresque, dans lequel on etait bien sur de ne rencontrer jamais
ame vivante. Voila pourquoi le lepreux y avait elu domicile avec sa
famille; il avait construit, de ses mains, dans le fourre du bois le
plus epais, une cahute en torchis, qui etait un mortier compose de terre
glaise et de paille hachee, sans autre toit qu'une couverture de gazon
et de mousse appliques sur quelques grosses branches, sans autre porte
que des branchages entrelaces assez ingenieusement et entremeles de
bruyere et d'epines. Rabelais dit a son sacristain de rester en arriere
avec l'anesse et d'attendre qu'on le vint avertir d'apporter le panier
de provisions. Le pauvre Guillot vit avec terreur qu'on allait le
laisser seul dans un endroit aussi desert et aussi mal fame: il se mit a
pleurer, comme un enfant peureux.
--Que vais-je devenir ici? disait-il tout eplore. Il y aura quelque
sorcier qui me tordra le cou, sinon quelque sorciere qui m'emportera
en enfer sur son balai! Monsieur le cure, ayez pitie de moi et ne
m'abandonnez pas, sans m'avoir donne l'absolution.
--Tant que tu resteras avec l'anesse, tu n'as rien a craindre, lui cria
Rabelais en s'eloignant: le diable respecte les betes et les tient pour
ce qu'elles sont, en se disant qu'il n'y a pas la d'ame a prendre!
L'enfant avait quitte la main du cure et courait en avant pour prevenir
sa famille: la porte de la cabane etait ouverte, mais on ne voyait
paraitre que la jeune fille, rouge d'emotion et tremblante d'embarras,
que son frere poussait devant lui, en l'empechant de se derober a cette
presentation inattendue et forcee. Rabelais remarqua que cette
fille etait fort belle, sous ses haillons ignobles et que sa figure
interessante se recommandait par une expression de candeur pudique et de
noble fierte. Il fut touche de commiseration, en s'apercevant que cette
pauvre jeune fille avait a peine les vetements indispensables pour se
preserver des atteintes du froid.
--Mon enfant, lui dit Rabelais avec douceur et interet, je vous prie de
vouloir bien prevenir votre pere et votre mere, que c'est le cur
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