edanterie, mais instructive, nourrissante,
toujours gaie et souvent brillante. Une femme qui joint le savoir a
l'esprit, surpasse tous les hommes d'esprit et de savoir.
Les enfants faisaient les intermedes joyeux et interessants de ces
entretiens, qui tenaient a la fois de l'etude et du plaisir, de l'utile
et de l'agreable; ils contribuerent aussi a mon retablissement, ces
chers petits, qui m'aimaient sur la foi de ma reputation, avant d'etre
a meme de me connaitre et de m'aimer en personne; leurs voeux et leurs
prevenances avancerent sans doute ma convalescence, d'abord indecise
et lente, puis franche et rapide. Les temoignages d'amitie qu'ils me
prodiguaient adoucirent l'anxiete morose, que la maladie traine toujours
apres elle. A mon lever, ils venaient, sans bruit, recueillir le
bulletin de ma nuit; ils s'echelonnaient, autour de moi, avec leurs
physionomies gaies ou tristes, selon le thermometre de ma sante; la ils
aspiraient a me distraire par leur babil amusant, par leurs questions
malicieuses, par leurs jeux innocents; c'etait a qui roulerait mon
fauteuil de grand-pere, exhausserait mes oreillers, etendrait un
tapis sous mes pieds, courrait chercher mes lunettes, ma canne ou ma
tabatiere. Je payais en tendresse cette piete filiale, plus delicate et
plus touchante que si elle m'eut ete due; je remerciais du fond de l'ame
ma bonne etoile, qui eclairait a son declin la derniere et plus belle
partie de ma carriere.
L'epoque des vacances agrandit encore le cercle de la famille: des
jeunes gens a peine delivres du college, des jeunes personnes a peine
arrivees de pension, se joignirent a leurs freres et soeurs, pour
soigner le vieil hote de leurs parents. La conversation prit alors des
allures moins timides, et les sciences, allegees du langage technique
qui fait peser sur elles une infructueuse obscurite, purent s'ebattre
sous mes yeux, en reveillant mes gouts, mes instincts et mes aptitudes.
J'etais le president de ces seances peu academiques, ou la discussion
portait la lumiere et l'interet dans les branches arides et inconnues
de l'enseignement. Chacun fournissait sa quote-part d'instruction,
d'observation et d'intelligence; chacun etait a son tour orateur,
commentateur ou critique. Ces enfants s'elevaient ainsi a la condition
d'homme, ou bien je redevenais moi-meme enfant avec eux.
Ces occupations quotidiennes et sedentaires se prolongerent avec ma
convalescence. Enfin je sortis de mon fauteuil, comme Lazare
|