intentions et que tout ce qui vit s'est plie, au
contraire, aux dures necessites des epoques, des climats et de la
matiere.
Mais il haissait la femme, il la haissait inconsciemment, et la
meprisait par instinct. Il repetait souvent la parole du Christ: "Femme,
qu'y a-t-il de commun entre vous et moi?" et il ajoutait: "On disait que
Dieu lui-meme se sentait mecontent de cette oeuvre-la." La femme etait
bien pour lui l'enfant douze fois impure dont parle le poete. Elle etait
le tentateur qui avait entraine le premier homme et qui continuait
toujours son oeuvre de damnation, l'etre faible, dangereux,
mysterieusement troublant. Et plus encore que leur corps de perdition,
il haissait leur ame aimante.
Souvent il avait senti leur tendresse attachee a lui et, bien qu'il se
sut inattaquable, il s'exasperait de ce besoin d'aimer qui fremissait
toujours en elles.
Dieu, a son avis, n'avait cree la femme que pour tenter l'homme et
l'eprouver. Il ne fallait approcher d'elle qu'avec des precautions
defensives, et les craintes qu'on a des pieges. Elle etait, en effet,
toute pareille a un piege avec ses bras tendus et ses levres ouvertes
vers l'homme.
Il n'avait d'indulgence que pour les religieuses que leur voeu rendait
inoffensives; mais il les traitait durement quand meme, parce qu'il la
sentait toujours vivante au fond de leur coeur enchaine, de leur coeur
humilie, cette eternelle tendresse qui venait encore a lui, bien qu'il
fut un pretre.
Il la sentait dans leurs regards plus mouilles de piete que les regards
des moines, dans leurs extases ou leur sexe se melait, dans leurs elans
d'amour vers le Christ, qui l'indignaient parce que c'etait de l'amour
de femme, de l'amour charnel; il la sentait, cette tendresse maudite,
dans leur docilite meme, dans la douceur de leur voix en lui parlant,
dans leurs yeux baisses, et dans leurs larmes resignees quand il les
reprenait avec rudesse.
Et il secouait sa soutane en sortant des portes du couvent, et il s'en
allait en allongeant les jambes comme s'il avait fui devant un danger.
Il avait une niece qui vivait avec sa mere dans une petite maison
voisine. Il s'acharnait a en faire une soeur de charite.
Elle etait jolie, ecervelee et moqueuse. Quand l'abbe sermonnait, elle
riait; et quand il se fachait contre elle, elle l'embrassait avec
vehemence, le serrant contre son coeur, tandis qu'il cherchait
involontairement a se degager de cette etreinte qui lui faisait gouter
cependa
|