es larmes pensives.
Et, comme on gagnait les chambres pour dormir, un gros chasseur dont
elle avait trouble la quietude souffla dans l'oreille de son voisin:
--N'est-ce pas malheureux d'etre sentimental a ce point-la!
* * * * *
MADEMOISELLE COCOTTE
[Illustration de RENOUARD]
Nous allions sortir de l'Asile quand j'apercus dans un coin de la cour
un grand homme maigre qui faisait obstinement le simulacre d'appeler un
chien imaginaire. Il criait, d'une voix douce, d'une voix tendre:
"Cocotte, ma petite Cocotte, viens ici, Cocotte, viens ici, ma belle",
en tapant sur sa cuisse comme on fait pour attirer les betes. Je
demandai au medecin:--Qu'est-ce que celui-la? Il me repondit:--Oh!
celui-la n'est pas interessant. C'est un cocher, nomme Francois, devenu
fou apres avoir noye son chien.
J'insistai:--Dites-moi donc son histoire. Les choses les plus simples,
les plus humbles, sont parfois celles qui nous mordent le plus au coeur.
Et voici l'aventure de cet homme qu'on avait sue tout entiere par un
palefrenier, son camarade.
Dans la banlieue de Paris vivait une famille de bourgeois riches. Ils
habitaient une elegante villa au milieu d'un parc, au bord de la Seine.
Le cocher etait ce Francois, gars de campagne, un peu lourdaud, bon
coeur, niais, facile a duper.
Comme il rentrait un soir chez ses maitres, un chien se mit a le suivre.
Il n'y prit point garde d'abord; mais l'obstination de la bete a marcher
sur ses talons le fit bientot se retourner. Il regarda s'il connaissait
ce chien.--Non, il ne l'avait jamais vu.
C'etait une chienne d'une maigreur affreuse, avec de grandes mamelles
pendantes. Elle trottinait derriere l'homme d'un air lamentable et
affame, la queue entre les pattes, les oreilles collees contre la tete,
et s'arretait quand il s'arretait, repartant quand il repartait.
Il voulait chasser ce squelette de bete et cria: "Va-t'en. Veux-tu bien
te sauver.--Hou! hou!" Elle s'eloigna de quelques pas et se planta sur
son derriere, attendant; puis, des que le cocher se remit en marche,
elle repartit derriere lui.
Il fit semblant de ramasser des pierres. L'animal s'enfuit un peu plus
loin avec un grand ballottement de ses mamelles flasques; mais il revint
aussitot que l'homme eut tourne le dos.
Alors le cocher Francois, pris de pitie, l'appela. La chienne s'approcha
timidement, l'echine pliee en cercle, et toutes les cotes soulevant la
peau. L'homme care
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