nda en
mariage et l'epousa.
Il fut avec elle invraisemblablement heureux. Elle gouverna sa maison
avec une economie si adroite qu'ils semblaient vivre dans le luxe. Il
n'etait point d'attentions, de delicatesses, de chatteries qu'elle n'eut
pour son mari; et la seduction de sa personne etait si grande que, six
ans apres leur rencontre, il l'aimait plus encore qu'aux premiers jours.
Il ne blamait en elle que deux gouts, celui du theatre et celui des
bijouteries fausses.
Ses amies (elle connaissait quelques femmes de modestes fonctionnaires)
lui procuraient a tous moments des loges pour les pieces en vogue, meme
pour les premieres representations; et elle trainait bon gre, mal gre,
son mari a ces divertissements qui le fatiguaient affreusement apres sa
journee de travail. Alors il la supplia de consentir a aller au
spectacle avec quelque dame de sa connaissance qui la ramenerait
ensuite. Elle fut longtemps a ceder, trouvant peu convenable cette
maniere d'agir. Elle s'y decida enfin par complaisance, et il lui en sut
un gre infini.
Or, ce gout pour le theatre fit bientot naitre en elle le besoin de se
parer. Ses toilettes demeuraient toutes simples, il est vrai, de bon
gout toujours, mais modestes; et sa grace douce, sa grace irresistible,
humble et souriante, semblait acquerir une saveur nouvelle de la
simplicite de ses robes, mais elle prit l'habitude de pendre a ses
oreilles deux gros cailloux du Rhin qui simulaient des diamants, et elle
portait des colliers en perles fausses, des bracelets en similor, des
peignes agrementes de verroteries variees jouant les pierres fines.
Son mari, que choquait un peu cet amour du clinquant, repetait souvent:
"Ma chere, quand on n'a pas le moyen de se payer des bijoux veritables,
on ne se montre paree que de sa beaute et de sa grace, voila encore les
plus rares joyaux."
Mais elle souriait doucement et repetait: "Que veux-tu? J'aime ca.
C'est mon vice. Je sais bien que tu as raison; mais on ne se refait pas.
J'aurais adore les bijoux, moi!"
Et elle faisait rouler dans ses doigts les colliers de perles, miroiter
les facettes des cristaux tailles en repetant: "Mais regarde donc comme
c'est bien fait. On jurerait du vrai."
Il souriait a son tour en declarant: "Tu as des gouts de Bohemienne."
Quelquefois, le soir, quand ils demeuraient en tete-a-tete au coin du
feu, elle apportait sur la table ou ils prenaient le the la boite de
maroquin ou elle enfermait la "pacotille",
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