onner un frisson: "Tu sais
ce qu'il a fait!"
"Puis, comme je restais interdite, il se releva, et se dressant sur la
pointe des pieds pour arriver a mon oreille, car j'etais bien plus
grande que lui, il modula mon nom, mon petit nom: "Genevieve!" d'un ton
si doux, si joli, si tendre, que j'en frissonnai jusqu'aux pieds.
"Je balbutiais: "Rentrons, rentrons!" Il ne dit plus rien et me suivit;
mais, comme nous allions gravir les marches du perron, il m'arreta: "Tu
sais, si tu m'abandonnes, je me tue."
"Je compris, cette fois, que j'avais ete trop loin, et je devins
reservee. Comme il m'en faisait, un jour, des reproches, je repondis:
"Tu es maintenant trop grand pour plaisanter, et trop jeune pour un
amour serieux. J'attends."
"Je m'en croyais quitte ainsi.
"On le mit en pension a l'automne. Quand il revint, l'ete suivant,
j'avais un fiance. Il comprit tout de suite et garda pendant huit jours
un air si reflechi que je demeurais tres inquiete.
"Le neuvieme jour, au matin, j'apercus, en me levant, un petit papier
glisse sous ma porte. Je le saisis, je l'ouvris, je lus. "Tu m'as
abandonne; et tu sais ce que je t'ai dit. C'est ma mort que tu as
ordonnee. Comme je ne veux pas etre trouve par un autre que par toi,
viens dans le parc, juste a la place ou je t'ai dit, l'an dernier, que
je t'aimais, et regarde en l'air."
"Je me sentais devenir folle. Je m'habillai vite et vite, et je courus,
je courus a tomber epuisee, jusqu'a l'endroit designe.
Sa petite casquette de pension etait par terre, dans la boue. Il avait
plu toute la nuit. Je levai les yeux et j'apercus quelque chose qui se
bercait dans les feuilles, car il faisait du vent, beaucoup de vent.
"Je ne sais plus, apres ca, ce que j'ai fait. J'ai du hurler d'abord,
m'evanouir peut-etre, et tomber, puis courir au chateau. Je repris ma
raison dans mon lit, avec ma mere a mon chevet.
"Je crus que j'avais reve tout cela dans un affreux delire. Je
balbutiai: "Et lui, lui, Gontran?..." On ne me repondit pas. C'etait
vrai.
"Je n'osai pas le revoir; mais je demandai une longue meche de ses
cheveux blonds. La... la... voici..."
Et la vieille demoiselle tendait sa main tremblante dans un geste
desespere.
Puis elle se moucha plusieurs fois, s'essuya les yeux et reprit: "J'ai
rompu mon mariage... sans dire pourquoi... Et je... je suis restee
toujours... la... la veuve de cet enfant de treize ans." Puis sa tete
tomba sur sa poitrine et elle pleura longtemps d
|