ssa ces os saillants, et, tout emu par cette misere de
bete: "Allons, viens", dit-il. Aussitot elle remua la queue, se sentant
accueillie, adoptee, et, au lieu de rester dans les mollets de son
nouveau maitre, elle se mit a courir devant lui.
Il l'installa sur la paille dans son ecurie; puis il courut a la cuisine
chercher du pain. Quand elle eut mange tout son soul, elle s'endormit,
couchee en rond.
Le lendemain, les maitres, avertis par leur cocher, permirent qu'il
gardat l'animal. C'etait une bonne bete, caressante et fidele,
intelligente et douce.
Mais, bientot, on lui reconnut un defaut terrible. Elle etait enflammee
d'amour d'un bout a l'autre de l'annee. Elle eut fait, en quelque temps,
la connaissance de tous les chiens de la contree qui se mirent a roder
autour d'elle jour et nuit. Elle leur partageait ses faveurs avec une
indifference de fille, semblait au mieux avec tous, trainait derriere
elle une vraie meute composee des modeles les plus differents de la race
aboyante, les uns gros comme le poing, les autres grands comme des anes.
Elle les promenait par les routes en des courses interminables, et quand
elle s'arretait pour se reposer sur l'herbe ils faisaient cercle autour
d'elle, et la contemplaient la langue tiree.
Les gens du pays la consideraient comme un phenomene; jamais on n'avait
vu pareille chose. Le veterinaire n'y comprenait rien.
Quand elle etait rentree, le soir, en son ecurie, la foule des chiens
faisait le siege de la propriete. Ils se faufilaient par toutes les
issues de la haie vive qui cloturait le parc, devastaient les
plates-bandes, arrachaient les fleurs, creusaient des trous dans les
corbeilles, exasperant le jardinier. Et ils hurlaient des nuits entieres
autour du batiment ou logeait leur amie, sans que rien les decidat a
s'en aller.
Dans le jour, ils penetraient jusque dans la maison. C'etait une
invasion, une plaie, un desastre. Les maitres rencontraient a tout
moment dans l'escalier et jusque dans les chambres des petits roquets
jaunes a queue empanachee, des chiens de chasse, des bouledogues, des
loups-loups rodeurs a poil sale, vagabonds sans feu ni lieu, des
terre-neuve enormes qui faisaient fuir les enfants.
On vit alors dans le pays des chiens inconnus a dix lieues a la ronde,
venus on ne sait d'ou, vivant on ne sait comment, et qui disparaissaient
ensuite.
Cependant Francois adorait Cocotte. Il l'avait nommee Cocotte, sans
malice, bien qu'elle meritat son no
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