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Je reviens a mes ancetres.
Ils etaient, parait-il, demesurement grands, osseux, poilus, violents et
vigoureux. Le jeune, plus haut encore que l'aine, avait une voix
tellement forte que, suivant une legende dont il etait fier, toutes les
feuilles de la foret s'agitaient quand il criait.
Et lorsqu'ils se mettaient en selle tous deux pour partir en chasse, ce
devait etre un spectacle superbe de voir ces deux geants enfourcher
leurs grands chevaux.
Or, vers le milieu de l'hiver de cette annee 1764, les froids furent
excessifs et les loups devinrent feroces.
Ils attaquaient meme les paysans attardes, rodaient la nuit autour des
maisons, hurlaient du coucher du soleil a son lever et depeuplaient les
etables.
Et bientot une rumeur circula. On parlait d'un loup colossal, au pelage
gris, presque blanc, qui avait mange deux enfants, devore le bras d'une
femme, etrangle tous les chiens de garde du pays et qui penetrait sans
peur dans les enclos pour venir flairer sous les portes. Tous les
habitants affirmaient avoir senti son souffle qui faisait vaciller la
flamme des lumieres. Et bientot une panique courut par toute la
province. Personne n'osait plus sortir des que tombait le soir. Les
tenebres semblaient hantees par l'image de cette bete.
Les freres d'Arville resolurent de la trouver et de la tuer, et ils
convierent a de grandes chasses tous les gentilshommes du pays.
Ce fut en vain. On avait beau battre les forets, fouiller les buissons,
on ne la rencontrait jamais. On tuait des loups, mais pas celui-la. Et,
chaque nuit qui suivait la battue, l'animal, comme pour se venger,
attaquait quelque voyageur ou devorait quelque betail, toujours loin du
lieu ou on l'avait cherche.
Une nuit enfin, il penetra dans l'etable aux porcs du chateau d'Arville
et mangea les deux plus beaux eleves.
Les deux freres furent enflammes de colere, considerant cette attaque
comme une bravade du monstre, une injure directe, un defi. Ils prirent
tous leurs forts limiers habitues a poursuivre les betes redoutables, et
ils se mirent en chasse, le coeur souleve de fureur.
Depuis l'aurore jusqu'a l'heure ou le soleil empourpre descendit
derriere les grands arbres nus, ils battirent les fourres sans rien
trouver.
Tous deux enfin, furieux et desoles, revenaient au pas de leurs chevaux
par une allee bordee de broussailles, et s'etonnaient de leur science
dejouee par ce loup, saisis soudain d'une sorte de crainte mysterieuse.
L'a
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