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'herbes trempees, de terre mouillee, vous enveloppait et les tireurs, courbes sous cette inondation continue, et les chiens mornes, la queue basse et le poil colle sur les cotes, et les jeunes chasseresses en leur taille de drap collante et traversee de pluie, rentraient chaque soir las de corps et d'esprit. Dans le grand salon, apres diner, on jouait au loto, sans plaisir, tandis que le vent faisait sur les volets des poussees bruyantes et lancait les vieilles girouettes en des tournoiements de toupie. On voulut alors conter des histoires, comme il est dit en des livres; mais personne n'inventait rien d'amusant. Les chasseurs narraient des aventures a coups de fusil, des boucheries de lapins; et les femmes se creusaient la tete sans y decouvrir jamais l'imagination de Scheherazade. On allait encore renoncer a ce divertissement, quand une jeune femme, en jouant, sans y penser, avec la main d'une vieille tante restee fille, remarqua une petite bague faite avec des cheveux blonds, qu'elle avait vue souvent sans jamais y reflechir. Alors, en la faisant rouler doucement autour du doigt, elle demanda: "Dis donc, tante, qu'est-ce que c'est que cette bague? On dirait des cheveux d'enfant..." La vieille demoiselle rougit, palit; puis, d'une voix tremblante: "C'est si triste, si triste, que je n'en veux jamais parler. Tout le malheur de ma vie vient de la. J'etais toute jeune alors, et le souvenir m'est reste si douloureux que je pleure chaque fois en y pensant." On voulut aussitot connaitre l'histoire, mais la tante refusait de la dire; on finit enfin par la prier tant qu'elle se decida. "Vous m'avez souvent entendu parler de la famille de Santeze, eteinte aujourd'hui. J'ai connu les trois derniers hommes de cette maison. Ils sont morts tous les trois de la meme facon; voici les cheveux du dernier. Il avait treize ans quand il s'est tue pour moi. Cela vous parait etrange, n'est-ce pas? "Oh! c'etait une race singuliere, des fous, si l'on veut, mais des fous charmants, des fous par amour. Tous, de pere en fils, avaient des passions violentes, de grands elans de tout leur etre qui les poussaient aux choses les plus exaltees, aux devouements fanatiques, meme aux crimes. C'etait en eux, cela, ainsi que la devotion ardente est dans certaine ames. Ceux qui se font trappistes n'ont pas la meme nature que les coureurs de salon. On disait dans la parente: "Amoureux comme un Santeze." Rien qu'a les voir, on le devinait. Ils a
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