il voulait, parfois au jour
levant, pretextant des affaires, ne se genant point, sur que jamais un
soupcon n'effleurerait cette ame candide.
Mais un matin elle recut une lettre anonyme.
Elle demeura eperdue, ayant le coeur trop droit pour comprendre l'infamie
des denonciations, pour mepriser cette lettre dont l'auteur se disait
inspire par l'interet de son bonheur, et la haine du mal, et l'amour de
la verite.
On lui revelait que son mari avait, depuis deux ans, une maitresse, une
jeune veuve, Mme Rosset, chez qui il passait toutes ses soirees.
Elle ne sut ni feindre, ni dissimuler, ni epier, ni ruser. Quand il
revint pour dejeuner elle lui jeta cette lettre, en sanglotant, et
s'enfuit dans sa chambre.
Il eut le temps de comprendre, de preparer sa reponse et il alla frapper
a la porte de sa femme. Elle ouvrit aussitot, n'osant pas le regarder.
Il souriait; il s'assit, l'attira sur ses genoux; et d'une voix douce,
un peu moqueuse:
"Ma chere petite, j'ai en effet pour amie Mme Rosset, que je connais
depuis dix ans et que j'aime beaucoup, j'ajouterai que je connais vingt
autres familles dont je ne t'ai jamais parle, sachant que tu ne
recherches pas le monde, les fetes et les relations nouvelles. Mais,
pour en finir une fois pour toutes avec ces denonciations infames, je te
prierai de t'habiller apres le dejeuner et nous irons faire une visite
a cette jeune femme qui deviendra ton amie, je n'en doute pas."
Elle embrassa a pleins bras son mari; et, par une de ces curiosites
feminines qui ne s'endorment plus une fois eveillees, elle ne refusa
point d'aller voir cette inconnue qui lui demeurait, malgre tout, un peu
suspecte. Elle sentait, par instinct, qu'un danger connu est presque
evite.
Elle entra dans un petit appartement coquet, plein de bibelots, orne
avec art, au quatrieme etage d'une belle maison. Au bout de cinq minutes
d'attente dans un salon assombri par des tentures, des portieres, des
rideaux drapes gracieusement, une porte s'ouvrit et une jeune femme
apparut, tres brune, petite, un peu grasse, etonnee et souriante.
Georges fit les presentations.
--Ma femme, Madame Julie Rosset.
La jeune veuve poussa un leger cri d'etonnement et de joie, et s'elanca,
les deux mains ouvertes. Elle n'esperait point, disait-elle, avoir ce
bonheur, sachant que Mme Baron ne voyait personne; mais elle etait si
heureuse, si heureuse! Elle aimait tant Georges! (elle disait Georges
tout court avec une fraternelle f
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