prit. Etait-ce donc de l'amour, cela?
Il ne le savait pas, n'y comprenait rien, mais demeurait, en tout cas,
bien decide a faire sa femme de cette enfant.
Les parents hesiterent longtemps, retenus par la mauvaise reputation du
jeune homme. Il avait une maitresse, disait-on, une _vieille maitresse,_
une ancienne et forte liaison, une de ces chaines qu'on croit rompues et
qui tiennent toujours.
Outre cela, il aimait, pendant des periodes plus ou moins longues,
toutes les femmes qui passaient a portee de ses levres. Alors il se
rangea, sans consentir meme a revoir une seule fois celle avec qui il
avait vecu longtemps. Un ami regla la pension de cette femme, assura son
existence. Jacques paya, mais ne voulut pas entendre parler d'elle,
pretendant desormais ignorer jusqu'a son nom. Elle ecrivit des lettres
sans qu'il les ouvrit. Chaque semaine, il reconnaissait l'ecriture
maladroite de l'abandonnee; et, chaque semaine, une colere plus grande
lui venait contre elle, et il dechirait brusquement l'enveloppe et le
papier, sans ouvrir, sans lire une ligne, une seule ligne, sachant
d'avance les reproches et les plaintes contenues la-dedans.
Comme on ne croyait guere a sa perseverance, on fit durer l'epreuve
tout l'hiver, et c'est seulement au printemps que sa demande fut agreee.
Le mariage eut lieu a Paris dans les premiers jours de mai.
Il etait decide qu'ils ne feraient point le classique voyage de noces.
Apres un petit bal, une sauterie de jeunes cousines qui ne se
prolongerait point au dela de onze heures, pour ne pas eterniser les
fatigues de cette journee de ceremonies, les jeunes epoux devaient
passer leur premiere nuit commune dans la maison familiale, puis partir
seuls, le lendemain matin, pour la plage chere a leurs coeurs, ou ils
s'etaient connus et aimes.
La nuit etait venue, on dansait dans le grand salon. Ils s'etaient
retires tous les deux dans un petit boudoir japonais, tendu de soies
eclatantes, a peine eclaire, ce soir-la, par les rayons alanguis d'une
grosse lanterne de couleur, pendue au plafond comme un oeuf enorme. La
fenetre entr'ouverte laissait entrer parfois des souffles frais du
dehors, des caresses d'air qui passaient sur les visages, car la soiree
etait tiede et calme, pleine d'odeurs de printemps.
Ils ne disaient rien; ils se tenaient les mains en se les pressant
parfois de toute leur force. Elle demeurait, les yeux vagues, un peu
eperdue par ce grand changement dans sa vie, mais souri
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