er.
Et il ouvrit sa porte pour sortir; mais il s'arreta sur le seuil,
surpris par une splendeur de clair de lune telle qu'on n'en voyait
presque jamais.
Et comme il etait doue d'un esprit exalte, un de ces esprits que
devaient avoir les Peres de l'Eglise, ces poetes reveurs, il se sentit
soudain distrait, emu par la grandiose et sereine beaute de la nuit
pale.
Dans son petit, jardin, tout baigne de douce lumiere, ses arbres
fruitiers, ranges en ligne, dessinaient en ombre sur l'allee leurs
greles membres de bois a peine vetus de verdure; tandis que le
chevrefeuille geant, grimpe sur le mur de sa maison, exhalait des
souffles delicieux et comme sucres, faisait flotter dans le soir tiede
et clair une espece d'ame parfumee.
Il se mit a respirer longuement, buvant de l'air comme les ivrognes
boivent du vin, et il allait a pas lents, ravi, emerveille, oubliant
presque sa niece.
Des qu'il fut dans la campagne, il s'arreta pour contempler toute la
plaine inondee de cette lueur caressante, noyee dans ce charme tendre et
languissant des nuits sereines. Les crapauds a tout instant jetaient par
l'espace leur note courte et metallique, et des rossignols lointains
melaient leur musique egrenee qui fait rever sans faire penser, leur
musique legere et vibrante, faite pour les baisers, a la seduction du
clair de lune.
L'abbe se remit a marcher, le coeur defaillant, sans qu'il sut pourquoi.
Il se sentait comme affaibli, epuise tout a coup; il avait une envie de
s'asseoir, de rester la, de contempler, d'admirer Dieu dans son oeuvre.
La-bas, suivant les ondulations de la petite riviere, une grande ligne
de peupliers serpentait. Une buee fine, une vapeur blanche que les
rayons de lune traversaient, argentaient, rendaient luisante, restait
suspendue autour et au-dessus des berges, enveloppait tout le cours
tortueux de l'eau d'une sorte de ouate legere et transparente.
Le pretre encore une fois s'arreta, penetre jusqu'au fond de l'ame par
un attendrissement grandissant, irresistible.
Et un doute, une inquietude vague l'envahissait; il sentait naitre en
lui une de ces interrogations qu'il se posait parfois. Pourquoi Dieu
avait-il fait cela? Puisque la nuit est destinee au sommeil, a
l'inconscience, au repos, a l'oubli de tout, pourquoi la rendre plus
charmante que le jour, plus douce que les aurores et que les soirs, et
pourquoi cet astre lent et seduisant, plus poetique que le soleil et qui
semble destine, tant il est di
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