sines, et ils ressemblaient assez a un detachement de
gardes champetres.
Lorsqu'il en eut une trentaine autour de lui, le commandant, en quelques
mots, les mit au fait des evenements; puis, se tournant vers son
etat-major: "Maintenant, agissons," dit-il.
Les habitants se rassemblaient, examinaient et devisaient.
Le docteur eut vite arrete son plan de campagne:
--Lieutenant Picart, vous allez vous avancer sous les fenetres de cette
mairie et sommer M. de Varnetot, au nom de la Republique, de me remettre
la maison de ville.
Mais le lieutenant, un maitre-macon, refusa:
--Vous etes encore un malin, vous. Pour me faire flanquer un coup de
fusil, merci. Ils tirent bien ceux qui sont la-dedans, vous savez.
Faites vos commissions vous-meme.
Le commandant devint rouge.
--Je vous ordonne d'y aller au nom de la discipline.
Le lieutenant se revolta:
--Plus souvent que je me ferai casser la figure sans savoir pourquoi.
Les notables, rassembles en un groupe voisin, se mirent a rire. Un d'eux
cria:
--T'as raison, Picart, c'est pas l'moment!
Le docteur, alors, murmura:
--Laches!
Et, deposant son sabre et son revolver aux mains d'un soldat, il
s'avanca d'un pas lent, l'oeil fixe sur les fenetres, s'attendant a en
voir sortir un canon de fusil braque sur lui.
Comme il n'etait qu'a quelques pas du batiment, les portes des deux
extremites donnant entree dans les deux ecoles s'ouvrirent, et un flot
de petits etres, garcons par ci, filles par la, s'en echapperent et se
mirent a jouer sur la grande place vide, piaillant, comme un troupeau
d'oies, autour du docteur, qui ne pouvait se faire entendre.
Aussitot les derniers eleves sortis, les deux portes s'etaient
refermees.
Le gros des marmots enfin se dispersa, et le commandant appela d'une
voix forte:
--Monsieur de Varnetot?
Une fenetre du premier etage s'ouvrit. M. de Varnetot parut. Le
commandant reprit:
--Monsieur, vous savez les grands evenements qui viennent de changer la
face du gouvernement. Celui que vous representiez n'est plus. Celui que
je represente monte au pouvoir. En ces circonstances douloureuses, mais
decisives, je viens vous demander, au nom de la nouvelle Republique, de
remettre en mes mains les fonctions dont vous avez ete investi par le
precedent pouvoir.
M. de Varnetot repondit:
--Monsieur le docteur, je suis maire de Canneville, nomme par l'autorite
competente, et je resterai maire de Canneville tant que je n'aurai p
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