journal.
M. Massarel l'ouvrit, palit, se dressa brusquement, et, levant les deux
bras au ciel dans un geste d'exaltation, il se mit a vociferer de toute
sa voix, devant les deux ruraux affoles:
--Vive la Republique! vive la Republique! vive la Republique!
Puis il retomba sur son fauteuil, defaillant d'emotion.
Et comme le paysan reprenait: "Ca a commence par des fourmis qui me
couraient censement le long des jambes," le docteur Massarel s'ecria:
--Fichez-moi la paix; j'ai bien le temps de m'occuper de vos betises. La
Republique est proclamee, l'Empereur est prisonnier, la France est
sauvee. Vive la Republique!"
Et, courant a la porte, il beugla: Celeste, vite, Celeste!
La bonne epouvantee accourut; il bredouillait tant il parlait
rapidement.
--Mes bottes, mon sabre, ma cartouchiere et le poignard espagnol qui est
sur ma table de nuit, depeche-toi!
Comme le paysan obstine, profitant d'un instant de silence, continuait:
--Ca a devenu comme des poches qui me faisaient mal en marchant.
Le medecin exaspere hurla:
--Fichez-moi donc la paix, nom d'un chien, si vous vous etiez lave les
pieds, ca ne serait pas arrive.
Puis, le saisissant au collet, il lui jeta dans la figure:
--Tu ne sens donc pas que nous sommes en republique, triple brute?
Mais le sentiment professionnel le calma tout aussitot, et il poussa
dehors le menage abasourdi, en repetant:
--Revenez demain, revenez demain, mes amis. Je n'ai pas le temps
aujourd'hui.
Tout en s'equipant des pieds a la tete, il donna de nouveau une serie
d'ordres urgents a sa bonne:
--Cours chez le lieutenant Picart et chez le sous-lieutenant Pommel, et
dis-leur que je les attends ici immediatement. Envoie-moi aussi
Torchebeuf avec son tambour, vite, vite.
Et quand Celeste fut sortie, il se recueillit, se preparant a surmonter
les difficultes de la situation.
Les trois hommes arriverent ensemble, en vetements de travail. Le
commandant, qui s'attendait a les voir en tenue, eut un sursaut.
--Vous ne savez donc rien, sacre bleu? L'empereur est prisonnier, la
Republique est proclamee. Il faut agir. Ma position est delicate, je
dirai plus, perilleuse.
Il reflechit quelques secondes devant les visages ahuris de ses
subordonnes, puis reprit:
--Il faut agir et ne pas hesiter; les minutes valent des heures dans des
instants pareils. Tout depend de la promptitude des decisions. Vous,
Picart, allez trouver le cure et sommez-le de sonner le tocsin p
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