. Ses compagnons s'en apercurent, et se revoltant
contre lui, ils le menacerent d'abandon, meme de mort, s'il continuait
a epargner les chretiens.
Il resista d'abord, puis, avec sa faiblesse et son emportement
habituels: "Eh bien! s'ecria-t-il, puisqu'il faut aller jusqu'au bout,
j'irai aussi bien et plus loin que vous. Une caravane vint a
passer; elle comptait des europeens et des musulmans. Il l'attaqua
furieusement a la tete de ses hommes, frappa a tort et a travers sur
tout ce qui lui tombait sous la main. Parmi les victimes se trouvait
un francais. L'aspect de ce compatriote, peut-etre assassine par lui,
le fit soudainement rentrer en lui-meme. "Je suis un miserable."
se dit-il. Et laissant la ses compagnons occupes a depouiller les
cadavres, fou de remords, epouvante de son ignominie, il s'elanca
comme un insense et se perdit bientot dans l'immensite du desert.
Quand le missionnaire le rencontra, il y avait trois jours qu'il
errait a l'aventure, maudit et desespere comme Cain, ne mangeant pas,
ne buvant pas, ne sachant ce qu'il faisait, ni ce qu'il voulait. Il
etait a bout de forces, quand il apercut le voyageur qui passait au
loin sur son cheval. Pousse par un transport infernal, il essaya de
le rejoindre, non pour le voler, mais pour l'assassiner: "J'en tuerai
encore un, se dit-il, et je me tuerai apres". Au lieu de la mort,
c'est la vie qui l'attendait, et c'est dans les bras de la misericorde
qu'il tomba.
Tel fut le recit du criminel repentant: le missionnaire, le serrant
plus tendrement encore sur son coeur, se contenta de lui dire:
"Maintenant que je sais votre histoire, votre confession sera courte
et facile. Agenouillez-vous devant Dieu, mon fils, et en son nom
je vous pardonnerai tous les peches, tous les crimes de votre vie
entiere."
Le pecheur se confessa avec des torrents de larmes, et tandis que
le pretre prononcait sur son front courbe jusqu'a terre les paroles
sacrees de l'absolution, il lui sembla que son passe s'engloutissait
dans l'abime de la misericorde divine et qu'une vie nouvelle s'ouvrait
devant lui.
Ce que fut cette vie, je l'ignore. Le missionnaire ne nous l'a pas
dit. Mais qu'elle soit achevee ou qu'elle dure encore, qu'elle se
poursuive dans un labeur honnete ou dans les austerites d'un cloitre,
il n'est pas douteux qu'elle fut ou qu'elle sera jusqu'au bout une vie
de repentir, d'action de graces et d'amour penitent."
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3.-
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