--Encore un point a eclaircir, monsieur l'abbe, et j'arrive au
denoument.
--Quel chatiment doit donc etre inflige a l'homme lache et sacrilege
qui a pu s'oublier ainsi?
--Le chatiment est, dans ce cas, monsieur, l'expression de la
vengeance, et la vengeance n'appartient qu'a Dieu!
--Ah! je le regrette; mais ici, monsieur, nous differons absolument de
maniere de voir, et il m'est avis que l'insulte doit necessiter ou
de promptes excuses ou une juste expiation. Permettez-moi, meme, de
n'admettre a cet egard que mon opinion seule.
Et maintenant, ajouta-t-il, en quittant tout a coup le ton d'une
discussion calme pour les formes brusques et peu courtoises de la
colere et de la passion; et maintenant, ma femme et moi, nous sommes
les offenses, et l'insulteur, c'est vous!...
--Moi! dit le pretre avec surprise sans doute, mais toujours avec ce
calme et cette dignite qui jaillissent d'une conscience pure; moi!...
Puis, un souvenir illuminant tout a coup sa memoire: "Oh! monsieur,
poursuit-il d'un ton doucement ironique, vous intervertissez
etrangement les roles: je sais a present de quoi il s'agit. Dieu m'a
confie la garde de sa maison, j'ai du la faire respecter, et en vous
rappelant, ainsi qu'a madame, la saintete du sanctuaire, je n'ai fait
qu'accomplir un devoir."
X*** demeure un instant interdit, en face d'une reponse aussi ferme:
mais peut-il etre vaincu, lui, par un pretre, par un vieillard?...
--Monsieur! s'ecrie-t-il avec violence, vos paroles etaient une
insulte, et l'insulte veut l'expiation; et saisissant un pistolet
cache sous son vetement: "A genoux, dit-il au vieillard, a genoux! et
faites des excuses![4]"
[Note 4: Quelque incroyable et meme improbable que paraisse cette
Violence premeditee, qu'on pourrait regarder comme une scene de roman,
L'auteur garantit l'authenticite du fait.]
X*** avait arme le pistolet et le tendait menacant vers la poitrine du
vieux pretre.
Mais il ne savait pas tout ce qu'il y a de noblesse, d'energie,
d'invincible volonte dans un coeur sans tache, dans une ame
chretienne, nourrie chaque jour du pain des forts. Il ne savait pas
qu'abreuve du sang de son Dieu, le vieillard y retrouve les forces
de la jeunesse, le pretre l'heroisme qui fait les martyrs. Il ne le
savait pas, il ne le soupconnait meme pas; s'il en eut ete autrement,
aurait-il pu consentir a affronter benevolement cette alternative,
ou d'etre le meurtrier d'un vieillard, ou de subir la honte d'une
my
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