'admirer!"
Bientot, je perdis de vue le persecuteur et sa victime. Jacques
Fael, convaincu de colportage du _Compere Mathieu_ et des
_Chansons_ de Beranger, fut _prie_ par le proviseur de ne pas revenir
apres les vacances. Paul Savenay, qui se destinait a la profession de
medecin, quitta le college un an avant moi."
Armand de Pontmartin, a cet endroit, interrompt son recit pour
expliquer comment il retrouva quelques annees plus tard ce vertueux
jeune homme chez Frederic Ozanam. Ce dernier venait de fonder, avec
quelques amis, les Conferences de saint Vincent de Paul et il exposait
aux jeunes messieurs reunis chez lui les moyens qui lui semblaient les
plus propres a assurer le succes de l'entreprise.
"Tout a coup, continue le narrateur, Ozanam regarde a sa montre et dit
aux jeunes gens qui l'entouraient: "Mes amis, je suis un bavard. Agir
vaut mieux que parler, dans une crise comme celle-ci. L'ennemi
est toujours la; le cholera vient a peine d'entrer dans sa phase
decroissante... Nous n'avons pas une minute a perdre!
Il distribua a ses ouvriers de la premiere heure la liste des malades
qu'ils devaient visiter. Puis, s'adressant a Paul Savenay:--Et vous,
Paul, lui dit-il, votre premiere visite est toujours, n'est-ce pas,
pour l'hotel Racine?
--Oui, mon ami, repondit Savenay; oui, encore aujourd'hui, ajouta-t-il
avec une emotion singuliere.
En ce moment, Ozanam le prit a part et lui dit tout bas quelques mots
en me regardant. Il me sembla que Paul Savenay opposait une certaine
resistance. Ozanam insistait en repetant a demi-voix: Pourquoi pas?
Pourquoi pas?...
Paul parut enfin se decider, et se tournant vers moi: "Veux-tu, me
dit-il, que nous sortions ensemble?"
Nous sortimes: Ozanam habitait alors la rue de Sevres, et nous
nous dirigions du cote de la rue Jacob. En descendant la rue des
Saints-Peres, nous croisames une modeste voiture de louage, qui
gravissait assez lentement cette montee fort raide. Paul salua et me
dit: "Sais-tu qui est dans cette voiture? Mgr de Quelen, archeveque de
Paris. Comme hier, comme demain, il vient de l'hotel-Dieu, et il va a
l'hospice de la Charite; c'est ainsi qu'il se venge. Parmi ceux qu'il
visite, qu'il secourt et qu'il console, on compterait par centaines
les emeutiers de fevrier 1831, les pillards de l'archeveche et de
Saint-Germain-l'Auxerrois, ceux qui l'auraient egorge, s'il etait
tombe entre leurs mains!"
Nous arrivames au bout de la rue Jacob; Paul s'arreta de
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