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ces deux innocences a ma vie, ces deux amours au mien; je me disais:
"Ma femme et mon enfant aiment en moi quelque chose que je n'ai aime
ni en eux ni en moi; c'est mon ame."
Nous entrames dans la semaine de la premiere communion. Ce n'etait
plus de l'affection seulement que l'enfant m'inspirait; c'etait un
sentiment que je ne m'expliquais pas, qui me semblait etrange, presque
humiliant, et qui se traduisait parfois en une espece d'irritation.
J'avais du respect pour lui. Il me dominait. Je n'osais pas exprimer
en sa presence de certaines idees, que l'etat de lutte ou j'etais
contre moi-meme produisait parfois dans mon esprit. Je n'aurais pas
voulu qu'elles lui fissent impression.
Il n'y avait plus que cinq ou six jours a passer. Un matin, revenant
de la messe, l'enfant vint me trouver dans mon cabinet, ou j'etais
seul.
--Papa, me dit-il, le jour de ma premiere communion, je n'irai pas a
l'autel sans avoir demande pardon de toutes les fautes que j'ai faites
et de tous les chagrins que je vous ai causes, et vous me donnerez
votre benediction. Songez bien a tout ce que j'ai fait de mal pour me
le reprocher, afin que je ne le fasse plus, et pour me pardonner.
--Mon enfant, repondis-je, un pere pardonne tout, meme a un enfant qui
n'est pas sage; mais j'ai la joie de pouvoir te dire qu'en ce moment
je n'ai rien a te pardonner. Je suis content de toi. Continue de
travailler, d'aimer le bon Dieu, d'etre fidele a tes devoirs; ta mere
et moi nous serons bien heureux.
--Oh! papa! le bon Dieu qui vous aime tant, vous soutiendra, pour que
je sois votre consolation, comme je le demande. Priez-le bien pour
moi, papa.
--Oui, mon cher enfant.
Il me regarda avec des yeux humides, et se jeta a mon cou. J'etais
moi-meme fort attendri.
--Papa!... continua-t-il.
--Quoi, mon cher enfant?
--Papa, j'ai quelque chose a vous demander!
Je voyais bien qu'il voulait me demander quelque chose, et ce qu'il
voulait me demander, je le savais bien! Et, faut-il l'avouer? j'en
avais peur; j'eus la lachete de vouloir profiter de ses hesitations.
--Va! lui dis-je, j'ai des affaires en ce moment. Ce soir ou demain,
tu me diras ce que tu desires, et, si ta mere le trouve bon, je te le
donnerai.
Le pauvre petit, tout confus, manqua de courage, et, apres m'avoir
embrasse encore, se retira tout deconcerte, dans une petite piece
ou il couchait, entre mon cabinet et la chambre de sa mere. Je m'en
voulus du chagrin que je venais
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