serais pas vous assurer
que le moyen est bon pour toutes les femmes "en puissance", comme dit le
Code, mais, sur moi, il etait le meilleur; je ne m'en vante, croyez-le
bien, ni ne m'en excuse, question de chance a la loterie des caracteres.
"On etait alors en plein Romantisme, et nous en recevions, dans notre
salon, les principaux "menestrels", style du temps, ou, si vous l'aimez
mieux, les Jeune-France. Mon mari les avait connus presque tous sur les
bancs, et, quoique simple homme d'affaires, il aimait leur turbulence,
leurs echevelements, leur joie exuberante subitement accablee et il
participait a leurs batailles d'art retentissantes. Entre ceux qui nous
etaient le plus fideles, le samedi, mon jour, les preferes d'Adolphe
etaient M. de Musset, M. Monpou et l'auteur de mon sonnet, M. Felix
Arvers. Je me rappelle qu'ils arrivaient toujours ensemble. C'etait un
trio d'inseparables.
"De M. de Musset, je n'ai rien a vous apprendre. S'il a commence comme
lord Byron, il n'a pas fini aussi bellement que son modele; c'est
dommage, car nul n'etait plus gentilhomme, de race francaise et doue du
charme, du genie. Comme il en tenait pour toutes les femmes,--mon mari
l'avait appele l'amoureux perpetuel,--il etait le moins dangereux de
mes agresseurs. Quand il me regardait trop obstinement, d'un oeil un peu
trouble, je le priais de nous chanter certaine chansonnette intitulee:
_Mon Bedit Francois_, parodie du patois d'Alsace, ou il etait
impayable,--et ca passait.
"La mode, d'ailleurs, nous avait, tous et toutes, affoles de romances,
et notre salon, le samedi, tournait au temple de l'art de Garat. Chacun
y apportait la sienne, qui de Masini ou de Loisa Puget, qui d'Etienne
Arnaud, de Labarre ou de Paul Henrion et, comme je disposais moi-meme
d'une voix assez puissante, c'etait comme mon privilege de "creer" les
nouveautes de M. Hippolyte Monpou, avec qui du reste j'avais suivi les
cours de l'illustre professeur Choron. C'est moi, telle que vous me
voyez, qui donnai a nos hotes la primeur de _L'Andalouse au sein bruni_,
dont M. de Musset avait compose le poeme, "d'apres nature", disait-il,
ce qui etait une calomnie, relevait gaiement mon cher Adolphe. Mais ce
que M. Monpou aimait en moi et de moi c'etait la musicienne, et, quand
il s'en allait, le soir, loin des oreilles, loin du coeur, je ne durais
pas dans ses insomnies d'artiste.
"Il n'en etait pas de meme pour M. Felix Arvers, et j'etais bien
forcee de reconnaitre que j'
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