en ayant pas l'usage, et, du seuil, elle
lui siffla de sa voix de courant d'air:
--Adieu, monsieur Legoaz!
Ce fut ainsi qu'elle herita, car, le surlendemain, apres une agonie
calme comme celle d'un ascete dans sa caverne, Yvon-Conan mourut en sa
soixante-sixieme annee. Sans doute, il a rejoint la bonne fiancee dont
il etait fidelement reste veuf sur la terre; mais toujours est-il
que toutes les quittances etaient signees et que le nom de Madeleine
remplissait la place blanche du testament.
AZELINE
C'est une legende de notre vieille et candide Bretagne, ou l'on s'en
transmet de si belles.
Elle a ete defiguree par les folkloristes, au gre des provinces diverses
sur lesquelles ils operent. Je n'ignore pas, certes, que chaque race a
le droit d'assimiler a son caractere ethnique les contes merveilleux,
nes du reve, dont l'humanite est legitime heritiere. _Peau d'Ane_ est
d'origine hindoue, mais _Azeline_ est celtique, et son theme se prete
mal aux paraphrases de l'imagination meridionale, par exemple. Il y faut
l'encadrement de cette terre de granit recouverte de chenes, battue par
une mer mechante, et ou les calvaires se melent encore aux dolmens
dans une confusion de croyances propice au surnaturel. Si la legende
saint-briacquoise repose sur un roman vecu, ledit roman n'a pu l'etre
qu'en Bretagne. Et voici comment je l'ai eue, dans mon village, d'une
excellente sorciere traditionnaliste qui, l'an dernier, vivait encore,
et qu'on appelait: la mere l'Oie, parce qu'elle en trainait une, comme
un chien, a ses jupes. Il parait que cette oie l'avait, une nuit, sauvee
des voleurs, comme celles du Capitole sauverent Rome, ni plus ni moins,
de nos aieux les Gaulois.
--Mon bon monsieur, ce n'est pas que je l'ai connue, non vere, quoique
vieille, je suis trop jeune, mais la mere de mon pere l'a vue comme
je vous vois. Elle s'appelait Azeline, et elle etait du bourg de
Saint-Briac, ou les filles sont le plus jolies et ont les plus belles
coiffes. C'etait au temps jadis ou il y avait encore des rois regnants
et ou tout le monde allait, le dimanche, a la messe. Les parents
d'Azeline avaient du bien, ce qui n'est pas pour nuire, et, comme, a
leur mort, elle etait seule a en heriter, il ne lui manquait pas de
danseurs aux assemblees. Mais elle n'en avait que pour son Jan Bris,
qui, necessite de vivre, etait marin et faisait la peche a Terre-Neuve.
"Ce Jan Bris lui avait retenu son coeur. Ils devaient se marier
quas
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