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--Eh bien, je t'en achete.
--Pour le coup, c'est-contre ton ame!
--Avant ou apres confession?
--Avant. Sois probe, voyons.
Il est certain, en effet, qu'apres confession elle ne valait plus rien
du tout, puisque, lavee dans l'eau de misericorde, elle montait droit
comme un I, legere et blanche, au jardin celeste. Jean en convint, mais
il voulait, en fait de vent, un vent de premiere qualite, continu, sans
saute, un vent de moulin, et, cela va sans dire, point d'avaries ni aux
ailes, ni aux chenes, ni aux haies, ni meme aux fleurs. A la moindre
tuile tombee d'un toit, dans le village, fin du pacte, point d'ame!
--Combien de temps t'en faut-il?
--Jusqu'au moment ou il n'y aura plus rien a moudre.
--Ca va. Je souffle.
Je ne sais pas pourquoi diable le diable s'etait transforme en lievre
pour souffler ce vent-la sur le moulin Kerlot, mais il est constant
qu'il en fut ainsi. Vingt personnes dignes de foi l'ont vu, de leurs
yeux vu, tapi dans un fosse sous cette forme, y diriger l'air d'un
chalumeau qu'il avait aux babines. Le moulin tournait nuit et jour et,
non seulement il tournait sans repos, mais il tournait seul dans tout
le canton, et les autres, immobiles sur les coteaux les mieux situes,
semblaient etre d'antiques tours de telegraphe aerien hors d'usage.
De telle sorte que toutes les moissons y furent apportees, que les sacs
s'empilaient, dedans et dehors, chez l'astucieux gausseur du diable et
qu'autant de bons ecus de trois livres tombaient dans son bas de laine
arrondi et pareil a un etui de jambon. Mais tout a une fin, meme en
meunerie diabolique, et il ne restait plus de sacs a broyer que pour
une journee, lorsque, tout a coup, les ailes se ralentirent, molles, et
cesserent de battre.
Jean Kerlot avait couru au fosse:
--Eh bien, ca ne va plus? Qu'arrive-t-il? N'as-tu plus de poumons, ou
renonces-tu a mon ame? Elle deborde de peches, pourtant, tous capitaux,
et tu vas manquer une proie d'elite. Je n'ai plus que vingt-quatre sacs
a passer sous la meule, apres quoi, c'est convenu, tu m'emportes.
Le lievre souffla plus fort, puis de toute sa force et enfin meme
demesurement. Les ailes du moulin restaient inertes. Alors, Satan
dechaina l'ouragan. Les fleurs deracinees jonchaient les pres herisses,
les arbres tordus se couchaient sur les haies dechirees, les tuiles des
maisons volaient en disques: une repetition de la fin du monde! Enfin,
ce fut le tour des ailes, qui, detachees par la te
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