s de sa carriere aspasienne. Il lui cuisait
au coeur comme un remords. Il creusait un trou noir dans sa vie de
bacchante. Il y avait au paradis un homme qui l'avait non seulement
desiree, mais aimee, elle, elle, et qu'elle n'avait pu rendre heureux!
Lorsque je la voyais triste, la pensee vagabonde dans le vide, hors des
choses et des jours, et que je l'interrogeais sur sa melancolie, elle
degrafait son peignoir, et, les yeux mouilles de larmes, elle disait:
--Regarde, poete, regarde!
III
LE BEAU PHILIBERT
Encore une, voulez-vous, de notre vieille, amie Aldine Gerat--en
religion cytherenne Geraldine--la meilleure fille du monde, et, j'ose
ajouter, la plus honnete. Du reste, je vous convie a en juger.
Du temps qu'elle courait, comme le jeune Wilhelm Meister, ses annees
d'apprentissage, les hasards de sa destinee l'avaient conduite a
Bordeaux. Peut-etre y avait-elle etait "transbahutee", car telle etait
sa langue, par quelque viticulteur opulent, soucieux de donner une
Aspasie a l'Athenes de la Gironde. Toujours est-il que, tout de suite,
elle s'amouracha d'un lieutenant de la garnison et qu'elle "plaqua" son
Pericles pour cet Alcibiade. Il avait nom Philibert Torbier.
Il faut croire que ce Philibert Torbier etait l'un de ces seducteurs
nes dont Lovelace est le type en litterature, comme Lauzun l'est en
histoire, car ses aventures galantes n'en laissaient pour ainsi dire
rien a glaner aux autres, et il n'etait poules qui voulussent d'autre
coq des que celui-la, dardant sa crete, chantait. Aussi ne comptait-il
plus ses duels, que Venus, sa mere, lui faisait d'ailleurs, comme dans
les poemes homeriques, presque toujours favorables.
Seul, Balzac nous expliquerait par quelle loi de nature un Philibert
Torbier doit, logiquement, fatalement, de toute eternite, aimer une
Geraldine, mais l'aimer a en mourir et jusqu'a jeter a ses pieds ses
armes et son bouclier d'honnete homme.
J'omets de vous dire, et pour cause, qu'elle n'esquissa meme pas un
geste de resistance. Reconnue "sienne" au premier coup d'oeil, elle fut
aussitot dans ses bras, docile aux dieux, et elle le suivit, sans meme
prendre conge du vieil oenophile, a son logis d'officier pauvre. Ils y
vecurent l'un de l'autre, insatiables de cette possession qui parait
etre la solution la plus scientifique du casse-tete chinois de la vie.
Comment le beau Philibert trouvait en Geraldine toutes les femmes en
une seule, c'est ce que, n'etant pas Balzac, je r
|