mme d'argent, un enrichi, les fetes
qu'il donnait dans son hotel de la rue de Berry comptaient parmi les
plus belles et les mieux reussies de Paris. Quand on avait un grand nom
ou quand on occupait une haute situation on se moquait bien quelquefois,
il est vrai, de Dayelle en rappelant d'un air dedaigneux qu'il avait
commence la vie par etre commis chez un marchand de toile, puis
fabricant de toile lui-meme, puis filateur de lin, puis banquier, puis
l'un des grands faiseurs de son temps; mais on n'en recherchait pas
moins les invitations de ce parvenu qui, deux fois par an, pour chacune
de ses fetes, ne depensait pas moins de cent mille francs en decorations
nouvelles, en fleurs, et surtout en artistes qu'on n'entendait que chez
lui.
Ce n'etait pas seulement les meilleurs artistes que Dayelle tenait a
offrir a ses invites, c'etait encore tout ce qui, a un titre quelconque:
gloire, talent, beaute, fortune, promettait d'arriver bientot a la
celebrite; il ne fallait pas etre conteste, mais d'autre part il ne
fallait pas non plus etre consacre, puisqu'il avait la pretention d'etre
lui-meme le consacrant. Aussi en allant chez lui s'attendait-on toujours
a quelque surprise. Quelle serait-elle? On n'en savait rien, car il la
cachait avec soin pour que l'effet produit fut plus grand; mais enfin on
savait qu'on en aurait une qui, pour ne pas figurer sur le programme,
faisait cependant partie obligee de ce programme.
Celle que causa la beaute de Corysandre fut des plus vives et pendant
huit jours elle fournit le sujet de toutes les conversations.
--Vous avez vu cette jeune Americaine avec sa mere?
--Parbleu, seulement ce n'est pas une Americaine, c'est une francaise;
elle est d'origine francaise: il y a encore dans le Poitou des Barizel
de tres vieille et tres bonne noblesse, et c'est d'un membre de cette
famille qui, il y a plus de deux cents ans, alla s'etablir en Amerique,
que descend cette belle jeune fille.
--Riches les Barizel?
--On le dit: cinq ou six cent mille francs de rente; mais je n'en sais
rien. Si vous avez des pretentions a la main de cette belle fille,
ne tablez donc pas sur ce que je vous dis; ces fortunes d'Amerique
ressemblent souvent aux batons flottants. La seule chose certaine, c'est
que la mere a achete un terrain dans les Champs-Elysees ou elle va,
dit-on, faire construire un hotel.
--Ca c'est quelque chose.
--C'est beaucoup si l'hotel est construit; mais s'il ne l'est pas, si on
en voit
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