industrie; mais sa clientele se composait, pour la meilleure part,
de cuisinieres qui frequentaient le marche de la Madeleine, de femmes
de chambre, de quelques cocottes devorees du besoin d'apprendre ce que
faisaient leurs amis aux heures ou elles ne pouvaient par les voir, et
tout ce monde trouvait les circulaires de M. Houssu aussi claires que
bien ecrites; c'etait encore plus precis que les oracles des tireuses de
cartes et des chiromanciens, auxquels ils avaient foi. D'ailleurs, quand
on avait ete une fois en relations avec M. Houssu, on retournait le voir
volontiers: sa rondeur militaire, son apparente bonhomie, la facon dont
il jetait sa croix d'honneur au nez de ses clients en avancant l'epaule
gauche, qu'il faisait bomber, inspiraient la confiance.
Maintenant que Raphaelle etait separee de son pere et de sa mere, elle
ne pouvait plus, comme au temps ou elle etait la maitresse du duc de
Naurouse, entrer chez eux aussitot qu'elle avait un instant de liberte
et s'installer en caraco au coin du poele pour voir sauter le foie
ou mijoter le marc de cafe; mais toutes les fois que cela lui etait
possible elle se sauvait de son hotel des Champs-Elysees pour accourir
dejeuner dans le petit entresol de la rue de l'Arcade; c'etait avec joie
qu'elle echappait aux valets a la tenue correcte, aux sourires insolents
et railleurs, que son amant lui faisait choisir par son intendant,
et qu'elle venait tenir elle-meme la queue de la poele ou cuisait le
dejeuner paternel; c'etait la seulement, qu'entre son pere et sa mere
et quelques amis de ses jours d'enfance, elle redevenait elle-meme,
reprenant ses habitudes, ses plaisirs, ses gestes, son langage
d'autrefois, qui ne ressemblaient en rien, il faut le dire, a ceux de
l'hotel des Champs-Elysees et de sa position presente.
Decidee a charger son pere d'une surveillance intime aupres de Savine,
elle vint un matin rue de l'Arcade a l'heure du dejeuner, arrivant comme
a l'ordinaire les bras pleins et les poches bourrees de provisions de
toutes sortes liquides et solides.
Un des grands plaisirs de M. Houssu etait, lorsque ses clients lui en
laissaient le temps, de faire lui-meme sa cuisine, ne trouvant bon que
ce qu'il avait prepare de sa main.
Lorsque Raphaelle entra, il etait en manches de chemise, occupe a couper
du lard en petits morceaux.
--Tu viens dejeuner avec nous, dit-il gaiement, eh bien, je vais
te faire une omelette au lard dont tu me diras des nouvelles; mais
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