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il me faut des renseignements certains; n'epargne donc rien, je suis
decidee a payer le prix.
De nouveau elle le regarda en appuyant sur ses dernieres paroles de
facon a les bien enfoncer.
Pendant quelques minutes M. Houssu resta silencieux, n'ouvrant la bouche
que pour manger, ce qu'il faisait consciencieusement avec un bruit de
machoires regulier comme le tic tac d'un moulin.
--Si tu m'avais parle ainsi tout d'abord j'aurais compris; tandis que
j'ai ete suffoque, indigne, tu sais, moi, quand il s'agit de l'honneur;
le sang ne me fait qu'un tour et je m'emporte; quand on a ete soldat,
vois-tu, on l'est toujours; et la proposition que tu me faisais ou
plutot que je m'imaginais que tu me faisais n'etait pas de celles
qu'ecoute froidement un soldat, un legionnaire.
Il se frappa la poitrine, qui resonna comme un coffre.
--Du moment qu'il s'agit seulement de savoir, continua M. Houssu, si le
prince Savine ne poursuit pas un mariage, je suis ton homme, car tu as
des droits a faire valoir.
--Un peu.
--Et quel autre qu'un pere peut mieux les defendre? Puisque l'occasion
se presente, je ne suis pas fache de m'expliquer une bonne fois pour
toutes sur ta liaison avec le prince Savine. Si j'ai tolere cette
liaison, c'est d'abord parce qu'il faut laisser une certaine liberte a
une artiste, et puis c'est parce que j'ai toujours cru a la parfaite
innocence de cette liaison, ce qui est bien naturel entre une femme
comme toi et un homme comme lui.
--Tout ce qu'il y a de plus naturel.
--Eh bien! ton pere te tend la main.
Et, de fait, il la lui tendit, grande ouverte, avec un geste de theatre.
--Il fera son devoir, compte sur lui; il saura empecher ce mariage avec
cette Americaine; il saura aider le tien; il saura meme... s'il le
faut... l'exiger.
--Contente-toi d'empecher celui de mademoiselle de Barizel, s'il est
vrai qu'il doive se faire.
--La-dessus je ne prendrai conseil que de ma conscience de pere.
--Quand peux-tu partir?
--Tout de suite, si tu veux.
Mais il se reprit:
--Demain, apres-demain, dans quelques jours.
--Pourquoi pas ce soir?
--Tu n'aurais pas du me faire cette question, mais avec toi il ne faut
pas de fausse honte et j'aime mieux te dire qu'avant de partir, il me
faut reunir les fonds necessaires, non seulement a mon voyage, mais
encore a l'achat de certaines indiscretions qu'il me faudra peut-etre
payer cher.
--Ce n'est pas ainsi que les choses doivent se passer: le
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