e dressait devant lui le rendait lache.
Mariee par cette femme!
Sa vie sacrifiee, sa purete ternie, son honneur perdu, sa foi menacee!
Elle resisterait, oui, elle combattrait courageusement, mais quelle
lutte, quelles souffrances elle aurait a supporter, la chere mignonne,
quels supplices et quelles hontes!
Et pour que tout cela n'arrivat pas, il suffisait qu'il put vivre
jusqu'au jour ou les dix-huit ans de sa fille seraient accomplis.
Alors il exagerait les precautions deja si meticuleuses qu'il avait
adoptees.
Un jour il diminuait de quelques grammes sa portion de pain, se figurant
qu'il avait trop mange; le lendemain il ajoutait un legume a sa
cotelette, se demandant si ce n'etait pas la faiblesse qui avait cause
le malaise dont il avait souffert.
Pour l'affaire la plus importante, il n'eut pas retarde son coucher ou
son diner de dix minutes.
Et il eut traite en ennemi quiconque l'eut fait mettre en colere.
S'il avait accepte les propositions de madame Pretavoine, c'avait ete
malgre les conseils de Painel, et aussi malgre sa propre repugnance,
pour se debarrasser des tracas journaliers qui troublaient sa digestion
et son sommeil.
Et cela non pour mieux dormir ou pour mieux manger, mais pour se garder
en bonne sante, en eloignant de lui tout ce qui pouvait deranger la
regularite de sa vie.
Et a sa priere du matin ainsi qu'a celle du soir, il en ajoutait une
speciale qu'il avait composee pour demander a Dieu de prolonger ses
jours jusqu'au moment decisif: "O mon Dieu! envoyez-moi sur cette terre
toutes les souffrances physiques et morales, humiliez-moi, frappez-moi
dans ce qui m'est le plus agreable et le plus doux, mais, je vous en
supplie, laissez-moi vivre assez pour sauver mon enfant."
Pendant trois annees il avait tout ramene a cette esperance.
Et voila que tout a coup la parole du vieux notaire la demolissait
brusquement.
Il tombait dans le vide.
Etait-ce possible?
Et bien qu'il eut lu le code avec le bonhomme Painel, il voulut le
relire encore en rentrant a la Rouvraye.
--Art. 477. Le mineur reste sans pere ni mere, pourra aussi, mais
seulement a l'age de dix-huit ans accomplis, etre emancipe, si le
conseil de famille l'en juge capable.
"Sans pere _ni_ mere," le texte etait formel.
Comment n'avait-il pas vu ce _ni_ toutes les fois qu'il avait lu cet
article?
Mais non, l'esprit plein de son idee d'emancipation, il n'avait prete
attention qu'aux dix-huit ans.
Pour
|