mi et il l'a sauve; il est
mauvais pour nous qui ne souffrons pas du tout de la meme maladie, et il
nous tue. Voila ce qui s'est passe pour vous. Vous avez fait emanciper
un mineur de dix-huit par deliberation du conseil de famille, et
vous avez conclu que tous les mineurs de dix-huit ans pouvaient etre
emancipes de la meme maniere. Voila votre erreur.
--J'ai lu la loi cent fois.
--Vous avez lu ce que vous aviez dans l'esprit et non ce que vous aviez
sous les yeux; venez la lire une cent et unieme fois avec moi et vous
verrez que je ne me trompe pas.
Il fallut que M. de la Roche-Odon se rendit a l'evidence.
--Et maintenant, dit le bonhomme Painel, vous voyez que pour obtenir
le consentement de madame la vicomtesse, il n'y a qu'un moyen, qui est
celui que je vous indiquais, une action en destitution de tutelle.
--Oui, je le vois et je le comprends; mais je ne pourrai jamais me
resigner au moyen.
--Reflechissez, monsieur le comte.
--La conscience n'a pas besoin de reflechir, mon cher Painel.
XX
Quelle deception, pour M. de la Roche-Odon!
Depuis trois annees il vivait dans l'attente de cette emancipation,
comptant les mois, comptant les jours, comptant les heures qui le
separaient du moment ou Berengere atteindrait ses dix-huit ans.
La mort en tant que mort n'avait rien d'effroyable pour lui; avec ses
idees chretiennes c'etait le simple passage de cette vie dans un monde
meilleur, ou il esperait voir le Tout-Puissant, et chanter eternellement
sa gloire; pour lui nulle horreur de l'enfer, mais seulement le profond
regret de n'avoir pas mieux servi Dieu.
Ce qui l'epouvantait, c'etait la crainte de laisser Berengere seule et
sans defense.
Avec lui s'eteignait le jugement qui avait remis Berengere sous sa
garde.
Lui mort, la vicomtesse s'emparerait de sa fille; non-seulement de
la fortune que celle-ci viendrait de recueillir, mais ce qui etait
autrement terrible, autrement effroyable, de sa personne meme, de son
esprit, de sa chair, de son ame.
Que deviendrait l'honnete et pure enfant qu'il avait elevee, au contact
de cette mere indigne?
A cote de cette question, combien petite etait celle qui s'appliquait a
la fortune?
Berengere, fletrie par les exemples qu'elle aurait sous les yeux,
exposee a tous les dangers, a toutes les corruptions, a toutes les
seductions!
Berengere devenue un sujet a exploiter entre les mains cupides et
ambitieuses de sa miserable mere!
Cette image qui s
|