la mere, ce que vous vouliez lui proposer au
moment de la destitution de la tutelle par jugement: que cette tutelle
cesse par emancipation ou par destitution, c'est meme chose, n'est-ce
pas?
--A mon tour, je vous dis: N'allez pas si vite, monsieur le comte; vous
faites emanciper votre petite-fille a l'age de dix-huit ans, comment
cela?
--Au moyen d'une deliberation du conseil, comme la loi l'indique.
--Quelle loi?
--Mais le code.
--Jamais le code n'a permis une emancipation de ce genre.
M. de la Roche-Odon regarda le notaire d'un air stupefait.
--Jamais, monsieur le comte, jamais.
--Mais je vous affirme que moi-meme, j'ai fait emanciper un de mes
parents en proposant cette emancipation au conseil de famille, et le
jeune homme avait dix-huit ans, j'en suis certain.
--Il ne s'agit pas de l'age; votre parent, n'est-ce pas, n'avait ni pere
ni mere?
--Sans doute.
--Est-ce la le cas de mademoiselle de la Roche-Odon?
--Elle n'a plus de pere.
--Mais elle a une mere, qui exerce la puissance paternelle et qui
l'exerce seule; elle peut, cette mere, provoquer l'emancipation de sa
fille lorsque celle-ci a atteint non pas l'age de dix-huit ans, mais
simplement de quinze ans revolus; mais personne autre qu'elle ne peut
exercer ce droit; ne me parlez donc pas d'une emancipation demandee par
vous et prononcee par une deliberation du conseil de famille, ni vous ni
le conseil n'avez qualite pour cela.
M. de la Roche-Odon resta atterre; puis apres un moment d'accablement il
se revolta.
--Voyons, Painel, vous vous trompez, mon cher ami.
--Sac a parchemins! s'ecria le vieux notaire, je me trompe, moi! Venez a
la maison, monsieur le comte, et quand vous aurez lu l'article 477, vous
verrez si je me trompe.
--Mais enfin, j'ai dit a tout le monde que je ferais emanciper ma
petite-fille a dix-huit ans, me basant sur ce qui s'etait passe pour mon
jeune parent, et personne ne m'a represente mon erreur.
--Qui, tout le monde? Moi? Griolet? un magistrat? un avocat?
--Je ne sais; mais enfin plusieurs personnes que je vois.
--Ce qu'on appelle des gens du monde. Eh bien! monsieur le comte, il en
est du droit comme de la medecine; chacun croit s'y connaitre sans avoir
rien appris. On a vu administrer tel remede a une personne de ses amis,
il a reussi; alors vite on se l'administre a soi-meme dans un cas
semblable, ou qu'on estime, d'apres ses propres lumieres, etre
semblable. Le remede etait bon pour notre a
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