ait devant lui et continuellement le frappait au coeur pour lui
rappeler ce que sont et ce que font les passions.
Ce fils avait aime, et dans son amour, tout avait ete submerge, emporte:
famille, dignite, honneur.
Par plus d'un point, Berengere ressemblait a son pere: qui pouvait
savoir ce que la passion ferait d'elle le jour ou elle se serait emparee
de son coeur.
De la des hesitations, des luttes de conscience, une irresolution sans
cesse renaissante.
C'etait le bonheur de sa fille, c'etait le sien qui etaient en jeu.
Et au moment de parler, il n'osait plus ouvrir les levres.
Le present, il le voyait et il n'etait pas immediatement inquietant.
Tandis que l'avenir, il ne savait pas, il ne pouvait pas prevoir ce
qu'il serait.
Les choses trainaient ainsi, arretees un jour, remises en discussion
le lendemain, lorsqu'un entretien que M. de la Roche-Odon eut avec son
ancien notaire, le bonhomme Painel, vint leur imprimer une marche plus
rapide et determinee.
Bien que M. de la Roche-Odon eut pris Griolet pour notaire, lorsque
celui-ci avait achete la charge de Me Painel, c'etait toujours ce
dernier qu'il consultait quand il se trouvait embarrasse ou bien encore
lorsqu'il s'agissait d'une affaire importante. Sans doute Griolet
meritait toute confiance; il etait appuye et recommande par les
personnes bien pensantes de la ville; ses principes religieux etaient
connus de tous; par sa foi autant que par son habilete, il avait acquis
dans le pays une reelle autorite, et cependant... cependant c'etait a ce
vieux sceptique de bonhomme Painel, qui ne mettait jamais les pieds
dans une eglise, que M. de la Roche-Odon recourait dans les questions
delicates, c'etait a lui qu'il s'ouvrait entierement et se confessait.
Une seule fois il s'etait departi de sa regle de suivre les conseils du
vieux notaire, pour ecouter ceux du jeune, et c'avait ete dans l'affaire
de l'emprunt a madame Pretavoine, que Griolet le pressait de faire, et
dont Painel le dissuadait. Encore n'avait-il ecoute Griolet que parce
que le bonhomme Painel avait refuse de s'expliquer categoriquement, se
renfermant dans des finasseries et des sous-entendus de paysan normand.
--Madame Pretavoine, une bonne dame assurement; cependant en affaires il
n'y a pas de bonnes gens.
--N'avez-vous pas confiance en elle?
--Si les affaires se faisaient rien qu'avec la confiance, les notaires
seraient inutiles.
--Mais enfin?
--Vous la connaissez mieux que
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