i depuis plus de cinq cents ans; enfin, pour
la fortune, s'il n'avait rien ou tout au moins peu de chose pour le
present, il etait certain que deux heritages, qui lui appartenaient, le
mettraient un jour dans une belle situation.
C'etait donc un homme dont il pouvait faire son gendre, en qui il avait
toute confiance, et pres duquel il serait heureux de vivre.
Mais, malgre ces qualites reelles et solides qu'il lui reconnaissait,
malgre l'amitie et l'estime qui le poussaient de son cote, il avait
contre lui un grief qui, pour etre unique, n'en etait pas moins capital.
C'etait l'irreligion, ou plus justement l'absence de religion du
capitaine.
Pour lui, c'etait un article de foi,--son gendre devait etre catholique.
Mais de plus c'etait une exigence de son amour paternel: s'il donnait sa
fille en cette vie, il voulait avoir la certitude d'etre reuni a elle
au-dela de la mort.
Or, il ne paraissait pas que le capitaine put etre ce gendre.
Quelles etaient au juste ses croyances? le comte l'ignorait, car ils
n'avaient jamais eu d'explication precise a ce sujet; mais il etait bien
certain neanmoins que le capitaine n'avait pas la foi; jamais, il est
vrai, il ne lui etait echappe une plaisanterie contre la religion des
autres, mais jamais non plus il n'avait dit un mot montrant qu'il etait
chretien; son etat paraissait etre l'indifference, une indifference
absolue.
Mais a quoi tenait cette indifference?
Etait-elle raisonnee ou irreflechie?
C'est-a-dire etait-elle ou n'etait-elle pas guerissable?
Cette question meritait maintenant d'etre examinee et resolue, car avant
de dire: "Cet homme ne sera jamais le mari de ma fille," il fallait
savoir s'il ne serait pas digne de le devenir un jour.
Et au cas ou l'amour qui semblait couver en ce moment dans le coeur de
Berengere eclaterait, il importait de pouvoir dire ce jour-la: "Il sera
ou ne sera pas ton mari."
Enfin il importait d'autant plus imperieusement d'etre fixe a ce sujet,
que les reponses du capitaine dicteraient la conduite qu'on tiendrait a
son egard.
XIX
M. de la Roche-Odon avait longtemps balance le pour et le contre avant
de se decider a interroger le capitaine de Gardilane.
Il n'etait pas de ceux, en effet, qui jouent avec la passion,
s'imaginant dans leur superbe sagesse qu'il n'y a qu'a lui tracer des
barrages en lui disant: "Tu n'iras pas plus loin".
Il avait l'exemple de son fils, et c'etait la une lecon terrible qui se
dress
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