disaient-ils, pour habituer les
enfants a changer de milieu sous les yeux de leurs parents. Valvedre
venait tous les jours chez les Obernay et semblait etre tout a
l'installation et aux premieres etudes de ses fils, ainsi qu'aux
premieres joies domestiques de sa soeur Paule. Mademoiselle Juste se
tenait davantage chez elle et paraissait avoir enfin franchement donne
sa demission. Tout etait donc pour le mieux, et il fallait demander au
ciel que cette situation se prolongeat, disait madame de Valvedre, et
pourtant elle avouait des moments de terreur. Elle avait vu ou reve un
nuage sombre, une tristesse inconnue, sans precedent, au fond du placide
regard de son mari.
Mais, si l'amour va vite dans ses apprehensions, il va encore plus vite
dans ses audaces, et, comme rien de nouveau ne s'etait produit a la fin
de la semaine, nous commencions a respirer, a oublier le peril et a
parler de l'avenir comme si nous n'avions qu'a nous baisser pour en
faire un tapis sous nos pas.
Alida avait horreur des choses materielles; elle froncait le coin delie
de son beau sourcil noir, quand j'essayais de lui parler au moins de
voyage, d'etablissement momentane dans un lieu quelconque, de motifs a
trouver pour qu'elle eut le droit de disparaitre pendant quelques
semaines.
--Ah! disait-elle, je ne veux pas savoir encore! Ce sont des questions
d'auberge ou de diligence qui doivent se resoudre a l'impromptu.
L'occasion est toujours le seul conseil qu'on puisse suivre. Etes-vous
mal ici? Vous ennuyez-vous de m'y voir entre quatre murs? Attendons que
la destinee nous chasse de ce nid trouve sur la branche. L'inspiration
me viendra quand il faudra se refugier ailleurs.
On voit qu'il n'etait plus question de se reunir pour toujours et meme
pour longtemps. Alida, inquiete des projets de son mari, n'admettait pas
qu'elle put faire un eclat qui donnerait a celui-ci des griefs publics
contre elle.
N'esperant plus changer sa destinee et sentant bien que je ne le devais
pas, je m'efforcais de vivre comme elle au jour le jour, et de profiter
du bonheur que sa presence et mon propre travail eussent du m'apporter
dans cette retraite charmante et sure. Si l'amour inquiet et inassouvi
me devorait encore aupres d'elle, j'avais la poesie pour epancher en son
absence la surexcitation qu'elle me laissait. Cet embrasement de toutes
mes facultes se faisait sentir a moi avec tant de puissance, que je
savais presque gre a mon inflexible amante de me l'avo
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