pas de cette maison pour te suivre. Je crois que tu n'es qu'un
imposteur, puisque tu me parles si doucement, de crainte de te faire
entendre. Abandonner ses parents est une mauvaise action. Ce n'est pas
moi qui serais fils ingrat. Quant a tes petites filles, elles ne sont
pas si belles que les yeux de ma mere.
--Toute notre vie s'est epuisee dans les cantiques de ta gloire. Tels
nous avons ete jusqu'ici, tels nous serons, jusqu'au moment ou nous
recevrons de toi l'ordre de quitter cette terre.
--Elles t'obeiront a ton moindre signe et ne songeront qu'a te plaire.
Si tu desires l'oiseau qui ne se repose jamais, elles te l'apporteront.
Si tu desires la voiture de neige, qui transporte au soleil en un clin
d'oeil, elles te l'apporteront. Que ne t'apporteraient-elles pas! Elles
t'apporteraient meme le cerf-volant, grand comme une tour, qu'on a cache
dans la lune, et a la queue duquel sont suspendus, par des liens de
soie, des oiseaux de toute espece. Fais attention a toi ... ecoute mes
conseils.
--Fais ce que tu voudras: je ne veux pas interrompre ma priere, pour
appeler au secours. Quoique ton corps s'evapore, quand je veux
l'ecarter, sache que je ne te crains pas.
--Devant toi, rien n'est grand, si ce n'est la flamme exhalee d'un coeur
pur.
--Reflechis a ce que je t'ai dit, si tu ne veux pas t'en repentir.
--Pere celeste, conjure, conjure les malheurs qui peuvent fondre sur
notre famille.
--Tu ne veux donc pas te retirer, mauvais esprit?
--Conserve cette epouse cherie, qui m'a console dans mes decouragements
...
--Puisque tu me refuses, je te ferai pleurer et grincer des dents comme
un pendu.
--Et ce fils aimant, dont les chastes levres s'entr'ouvrent a peine aux
baisers de l'aurore de vie.
--Mere, il m'etrangle ... Pere, secourez-moi ... Je ne puis plus
respirer ... Votre benediction!
Un cri d'ironie immense s'est eleve dans les airs. Voyez comme les
aigles, etourdis, tombent du haut des nuages, en roulant sur eux-memes,
litteralement foudroyes par la colonne d'air.
--Son coeur ne bat plus ... Et celle-ci est morte, en meme temps que le
fruit de ses entrailles, fruit que je ne reconnais plus, tant il est
defigure ... Mon epouse!... Mon fils!... Je me rappelle un temps
lointain ou je fus epoux et pere.
Il s'etait dit, devant le tableau qui s'offrit a ses yeux, qu'il ne
supporterait pas cette injustice. S'il est efficace, le pouvoir que lui
ont accorde les esprits infernaux, ou plutot qu'
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