sser de faire partie d'un
Etat sans devenir de droit membre d'un autre Etat. Quel interet y a-t-il
a quitter un Etat mauvais pour un autre qui n'est pas meilleur? On doit
payer pour ce qu'on n'admet pas, on doit remplir des devoirs qu'on
considere comme opposes a sa dignite. Tout cela n'a aucune importance;
vous n'avez qu'a vous soumettre au pouvoir et, si vous ne voulez pas,
vous sentirez le bras pesant de l'autorite. Et pourtant on veut nous
faire accroire que nous sommes des hommes libres dans un Etat libre.
Plus grand est le territoire sur lequel l'Etat exerce son autorite,
plus grande sera sa tyrannie sur nous.
Le juriste allemand Lhering ecrivait en toute verite: "Quand l'Etat peut
donner force de loi a tout ce qui lui semble bon, moral et utile, ce
droit n'a pas de limites; ce que l'Etat permettra de faire ne sera
qu'une concession. La conception d'une toute-puissance de l'Etat
absorbant tout en soi et produisant tout, en depit du riche vetement
dans lequel elle aime a se draper et des phrases ronflantes de bien-etre
du peuple, de respect des principes objectifs, de loi morale, n'est
qu'un miserable produit de l'arbitraire et la theorie du despotisme,
qu'elle soit mise en pratique par la volonte populaire ou par une
monarchie absolue. Son acceptation constitue pour l'individu un suicide
moral. On prive l'homme de la possibilite d'etre bon, parce qu'on ne lui
permet pas de faire le bien de son propre mouvement."
La toute-puissance de l'Etat est la plus grande tyrannie possible, meme
dans un Etat populaire. La soi-disant liberte, acquise lorsque le peuple
nomme ses propres maitres, est plutot une comedie qu'une realite, car,
des que le bulletin est depose dans l'urne, le souverain redevient sujet
pour longtemps. On croit etre son propre maitre et on se rejouit deja de
cette soi-disant suprematie. En 1529, a la diete de l'Empire, a Spiers,
on proclama un principe dont la portee etait bien plus grande qu'on le
soupconnait alors: "Dans beaucoup de cas la majorite n'a pas de droits
envers la minorite, parce que la chose ne concerne pas l'ensemble mais
chacun en particulier." Si l'on avait agi d'apres ce principe, il n'y
aurait plus eu tant de contrainte et de tyrannie.
Lorsque Bastiat considere l'Etat comme "la collection des individus", il
oublie qu'une collection d'objets, de grains de sable, par exemple, ne
constitue pas encore un ensemble.
John-Stuart Mill, dans son excellent livre sur la liberte[66], parle
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