de difficulte dans ce cas est la delimitation des droits
respectifs de l'individu et de la societe.
Il y a des choses qui ne peuvent etre faites que collectivement,
d'autres ne concernent que l'individu et, quoiqu'il soit difficile de
resoudre cette question, tous les penseurs s'en occupent. La disparition
de l'individualisme ferait un tort considerable a la societe, car celui
qui a perdu son individualite ne possede plus ni caractere ni
personnalite. L'homme de genie n'est pas celui qui produit une
nouveaute, mais celui qui met le sceau de son genie personnel sur ce qui
existait deja avant lui et lui donne ainsi une nouvelle importance par
la maniere dont il le produit.
Mill parle dans le meme sens lorsqu'il dit: "Nul ne peut nier que la
personnalite ne soit un element de valeur. Il y a toujours manque
d'individus, non seulement pour decouvrir de nouvelles verites, et
montrer que ce qui fut la verite ne l'est plus, mais egalement pour
commencer de nouvelles actions et donner l'exemple d'une conduite plus
eclairee, d'une meilleure comprehension et un meilleur sentiment de la
vie humaine. Cela ne peut etre nie que par ceux qui croient que le monde
atteindra la perfection complete. Il est vrai que cet avantage n'est pas
le privilege de tous a la fois; en comparaison de l'humanite entiere il
n'y a que peu d'hommes dont les experiences, acceptees par d'autres, ne
seraient en meme temps le perfectionnement d'une habitude deja
existante. Mais ce petit nombre d'hommes est comme le sel de la terre.
Sans eux la vie humaine deviendrait un marecage stagnant. Non seulement
ils nous apportent de bonnes choses qui n'existaient pas, mais ils
maintiennent la vie dans ce qui existe deja. Si rien de nouveau ne se
produisait, la vie humaine deviendrait inutile. Les hommes de genie
formeront toujours une faible minorite; mais pour les avoir, il est
necessaire de cultiver le sol qui les produit. Le genie ne peut respirer
librement que dans une atmosphere de liberte. Les hommes de genie sont
plus individualistes que les autres; par consequent moins disposes a se
soumettre, sans en etre blesses, aux petites formes etriquees qu'emploie
la societe pour epargner a ses membres la peine de former leur propre
caractere[67]".
Et je craindrais que cette originalite ne se perdit si on mettait des
entraves quelconques a la libre initiative.
Donnons encore la parole a Bakounine: "Qu'est-ce que l'autorite? Est-ce
la puissance inevitable des lois
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