aire: peu de passants, pas de curieux, pas de groupes sur les
trottoirs, pas de boutiquiers sur le pas de leurs portes; rien que ce
qui se voyait tous les jours.
Sans aucun doute, on n'avait rien decouvert encore. Alors il s'arreta,
jugeant inutile d'aller plus loin; deja il n'avait passe que trop de
fois devant la porte de Caffie, et quand on etait bati comme lui, d'une
taille au-dessus de la moyenne, avec une physionomie et une tournure qui
n'etaient pas celles de tout le monde, on devait eviter de provoquer
l'attention.
Pendant quelques minutes, il se promena a petits pas, allant, revenant
de la rue Neuve-des-Petits-Champs a la rue du Hasard; de la il voyait
jusqu'a la maison de Caffie, et il en etait cependant assez eloigne pour
qu'on n'imaginat pas qu'il montait la garde devant.
Mais cette promenade, toute naturelle cependant et que dans des
circonstances ordinaires il eut continuee, pendant une heure sans penser
qu'on pouvait s'en etonner, ne tarda pas a l'inquieter: il lui sembla
qu'on le regardait, et, deux passants s'etant arretes pour causer, il se
demanda si ce n'etait pas de lui: pourquoi ne continuaient-ils pas leur
chemin? Pourquoi de temps en temps tournaient-ils la tete de son cote?
Des commis qui rentraient un etalage dans leur magasin l'inquieterent
plus encore: ils ne se pressaient point d'achever leur besogne et,
chaque fois qu'ils revenaient sur le trottoir, ils le poursuivaient
de leurs regards curieux; plus tard, ils pourraient etre de dangereux
temoins.
Il abandonna la place et, comme il ne voulait pas, comme il ne pouvait
pas se decider a s'eloigner de "la maison", il trouva ingenieux d'aller
s'attabler dans le petit cafe qui lui faisait vis-a-vis.
En entrant, il s'assit pres de la porte, a une table appuyee contre
la devanture et qui lui parut un excellent observatoire, d'ou il
surveillerait facilement la rue.
--Il faut servir a monsieur? demanda le garcon.
--Du cafe.
Ce fut machinalement qu'il fit cette reponse, sans savoir ce qu'il
disait, et il n'y pensa qu'apres l'avoir lachee, se demandant s'il etait
naturel de prendre du cafe a cette heure: les gens attables dans
la salle buvaient des aperitifs ou de la biere; n'etait-ce pas une
maladresse?
Mais tout lui semblait une maladresse, comme tout lui semblait
dangereux; ne pourrait-il donc reprendre son sang-froid et sa raison?
Il but son cafe lentement, a petits coups; puis il se fit donner un
journal, pour prendre une cont
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