ui s'etait
passe. Je me plaisais a contourner le poignard dans la blessure. Elle
doit, leur dis-je, avoir ete enlevee par une tribu Iroquoise, qui soumet
aux plus affreux tourments les enfants qu'ils ravissent aux blancs. Je
leur racontai quelles devaient etre les souffrances qu'elle endurait
entre leurs mains. En entendant ces details les pauvres et malheureux
parents fondaient en larmes, je voyais tous les assistants fremir et
paraitre me dire, c'est assez, par grace n'allez pas plus loin.
Cette nuit-la, le demon de la jalousie qui me possedait, devait
tressaillir d'allegresse, car lorsqu'Octave allait embrasser sa femme et
essayer de la consoler; au dedans de moi je sentais un ineffable plaisir
de les entendre echanger entr'eux des paroles de desespoir, elles
etaient le temoignage de ce qu'ils souffraient mutuellement. Tels furent
les premiers fruits que je cueillis de mon odieuse vengeance.
AU LABRADOR.
Lorsque j'arrivai au camp, je fut accueilli comme de coutume, je
m'informai si Paulo etait revenu. Le miserable s'etait depuis un an
engage avec d'autres vagabonds pour aller faire la chasse dans le
Nord-Ouest. Il etait arrive de la veille, parait-il. Je le fis appeler
et j'ecoutai le recit de ses exploits.
Certes, il n'avait pas toujours trouve viande cuite! Associe avec
un parti d'Esquimaux, il avait parcouru les regions les plus
septentrionales de l'Amerique, longeant toujours les cotes du Labrador
et du Detroit de Davis. Ils avaient vecu tous ensemble de la chair de
quelques loups-marins qu'ils avaient captures ca et la.
Un jour enfin, il leur avait fallu tirer au sort pour savoir lequel
d'entr'eux servirait de nourriture aux autres. Leurs chiens avaient ete
devores, l'un apres l'autre, le tissu des raquettes qu'ils avaient fait
bouillir, leur avait meme servi d'aliment. Une poussiere de glace qui
leur fouettait sans cesse la figure, leur avait cause une maladie des
yeux dont ils eurent mille peines a se guerir. Plusieurs d'entr'eux
avaient deja succombe a la faim et aux miseres de toutes sortes; ils
avaient ete obliges d'abandonner leur chasse, leurs pelleteries et leurs
munitions, et c'est avec peine; qu'ils se sauverent des troupeaux de
loups et d^ours blancs qui les poursuivaient.
Un parti de chasseurs montagnais qu'ils rencontrerent les sauva de la
mort qui les menacait de si pres, ceux-ci les emmenerent avec eux dans
leur propre village, ou Paulo lui-meme passa quelques jours. Il y fut
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