ia le bourgmestre, dont les poings avaient une tendance a se
changer en projectiles percutants.
--Et vous m'insultez egalement en doutant de mon patriotisme, s'ecria
Niklausse, qui lui-meme s'etait mis en batterie.
--Je vous dis, monsieur, que l'armee quiquendonienne se mettra en marche
avant deux jours!
--Et je vous repete, moi, monsieur, que quarante-huit heures ne
s'ecouleront pas avant que nous ayons marche a l'ennemi!"
Il est facile d'observer par ce fragment de conversation que les deux
interlocuteurs soutenaient exactement la meme idee. Tous deux voulaient
la bataille; mais leur surexcitation les portant a disputer, Niklausse
n'ecoutait pas van Tricasse et van Tricasse n'ecoutait pas Niklausse.
Ils eussent ete d'une opinion contraire sur cette grave question, le
bourgmestre aurait voulu la guerre et le conseiller aurait tenu pour la
paix, que l'altercation n'aurait pas ete plus violente. Ces deux anciens
amis se jetaient des regards farouches. Au mouvement accelere de leur
coeur, a leur face rougie, a leurs pupilles contractees, au tremblement
de leurs muscles, a leur voix, dans laquelle il y avait du rugissement,
on comprenait qu'ils etaient prets a se jeter l'un sur l'autre.
Mais une grosse horloge qui sonna arreta heureusement les adversaires au
moment ou ils allaient en venir aux mains.
"Enfin, voila l'heure, s'ecria le bourgmestre.
--Quelle heure? demanda le conseiller.
--L'heure d'aller a la tour du beffroi.
--C'est juste, et que cela vous plaise ou non, j'irai, monsieur.
--Moi aussi.
--Sortons!
--Sortons!"
Ces derniers mots pourraient faire supposer qu'une rencontre allait
avoir lieu et que les adversaires se rendaient sur le terrain, mais il
n'en etait rien. Il avait ete convenu que le bourgmestre et le
conseiller--en realite les deux principaux notables de la cite--se
rendraient a l'hotel de ville, que la ils monteraient sur la tour,
tres-elevee, qui le dominait, et qu'ils examineraient la campagne
environnante, afin de prendre les meilleures dispositions strategiques
qui pussent assurer la marche de leurs troupes.
Bien qu'ils fussent tous deux d'accord a ce sujet, ils ne cesserent
pendant le trajet de se quereller avec la plus condamnable vivacite. On
entendait les eclats de leur voix retentir dans les rues; mais tous les
passants etant montes a ce diapason, leur exasperation semblait
naturelle, et l'on n'y prenait pas garde. En ces circonstances, un homme
calme eut ete c
|