garda son pere, et d'abondantes larmes mouillerent son missel!
A cet instant, l'horloge de Saint-Pierre sonna la demie de onze heures.
Maitre Zacharius se retourna avec vivacite vers ce vieux clocher qui
parlait encore. Il lui sembla que le cadran interieur le regardait
fixement, que les chiffres des heures brillaient comme s'ils eussent ete
graves en traits de feu, et que les aiguilles dardaient une etincelle
electrique par leurs pointes aigues.
La messe s'acheva. C'etait la coutume que l'_Angelus_ fut dit a l'heure
de midi, et les officiants, avant de quitter le parvis, attendaient que
l'heure sonnat a l'horloge du clocher. Encore quelques instants, et
cette priere allait monter aux pieds de la Vierge.
Mais soudain un bruit strident se fit entendre. Maitre Zacharius poussa
un cri....
La grande aiguille du cadran, arrivee a midi, s'etait subitement
arretee, et midi ne sonna pas.
Gerande se precipita au secours de son pere, qui etait renverse sans
mouvement, et que l'on transporta hors de l'eglise.
"C'est le coup de mort!" se dit Gerande en sanglotant.
Maitre Zacharius, ramene a son logis, fut couche dans un etat complet
d'aneantissement. La vie n'existait plus en lui qu'a la surface de son
corps, comme les derniers nuages de fumee qui errent autour d'une lampe
a peine eteinte.
Lorsqu'il reprit ses sens, Aubert et Gerande etaient penches sur lui. A
ce moment supreme, l'avenir prit a ses yeux la forme du present. Il vit
sa fille, seule, sans appui.
"Mon fils, dit-il a Aubert, je te donne ma fille," et il etendit la main
vers ses deux enfants, qui furent unis ainsi a ce lit de mort.
Mais, aussitot, maitre Zacharius se souleva par un mouvement de rage.
Les paroles du petit vieillard lui revinrent au cerveau.
"Je ne veux pas mourir! s'ecria-t-il. Je ne peux pas mourir! Moi, maitre
Zacharius, je ne dois pas mourir.... Mes livres!... mes comptes!..."
Et, ce disant, il s'elanca hors de son lit vers un livre ou se
trouvaient inscrits les noms de ses pratiques ainsi que l'objet qu'il
leur avait vendu. Ce livre, il le feuilleta avec avidite, et son doigt
decharne se fixa sur l'un des feuillets.
"La! dit-il, la!... Cette vieille horloge de fer, vendue a ce
Pittonaccio! C'est la seule qui ne m'ait pas encore ete rapportee! Elle
existe! elle marche! elle vit toujours! Ah! je la veux! je la
retrouverai! je la soignerai si bien que la mort n'aura plus prise sur
moi."
Et il s'evanouit.
Aubert et Gerand
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