appa.
C'etait un spectateur assidu de mes ascensions, que j'avais deja
rencontre dans plusieurs villes d'Allemagne. D'un air inquiet, il
contemplait avidement la curieuse machine qui demeurait immobile a
quelques pieds du sol, et il restait silencieux entre tous ses voisins.
Midi sonna. C'etait l'instant. Mes compagnons de voyage ne paraissaient
pas.
J'envoyai au domicile de chacun d'eux, et j'appris que l'un etait parti
pour Hambourg, l'autre pour Vienne et le troisieme pour Londres. Le
coeur leur avait failli au moment d'entreprendre une de ces excursions
qui, grace a l'habilete des aeronautes actuels, sont depourvues de tout
danger. Comme ils faisaient, en quelque sorte, partie du programme de la
fete, la crainte les avait pris qu'on ne les obligeat a l'executer
fidelement, et ils avaient fui loin du theatre a l'instant ou la toile
se levait. Leur courage etait evidemment en raison inverse du carre de
leur vitesse ... a deguerpir.
La foule, a demi decue, temoigna beaucoup de mauvaise humeur. Je
n'hesitai pas a partir seul. Afin de retablir l'equilibre entre la
pesanteur specifique du ballon et le poids qui aurait du etre enleve, je
remplacai mes compagnons par de nouveaux sacs de sable, et je montai
dans la nacelle. Les douze hommes qui retenaient l'aerostat par douze
cordes fixees au cercle equatorial les laisserent un peu filer entre
leurs doigts, et le ballon fut souleve a quelques pieds du sol. Il n'y
avait pas un souffle de vent, et l'atmosphere, d'une pesanteur de plomb,
semblait infranchissable.
"Tout est-il pare?" criai-je.
Les hommes se disposerent. Un dernier coup d'oeil m'apprit que je
pouvais partir.
"Attention!"
Il se fit quelque remuement dans la foule, qui me parut envahir
l'enceinte reservee.
"Lachez tout!"
Le ballon s'eleva lentement, mais j'eprouvai une commotion qui me
renversa au fond de la nacelle.
Quand je me relevai, je me trouvai face a face avec un voyageur imprevu,
le jeune homme pale.
"Monsieur, je vous salue bien! me dit-il avec le plus grand flegme.
--De quel droit...?
--Suis-je ici?... Du droit que me donne l'impossibilite ou vous etes de
me renvoyer!"
J'etais abasourdi! Cet aplomb me decontenancait, et je n'avais rien a
repondre.
Je regardais cet intrus, mais il ne prenait aucune garde a mon
etonnement.
"Mon poids derange votre equilibre, monsieur? dit-il. Vous permettez..."
Et, sans attendre mon assentiment, il delesta le ballon de deux sacs
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