un des plus enrages. Savez-vous, maitre Zacharius, que votre nom
est inscrit en toutes lettres sur leur cadran! Par la Vierge! vous ne
faites pas honneur a votre signature!"
Enfin, il arriva que le vieillard, honteux de ces reproches, retira
quelques pieces d'or de son vieux, bahut et commenca a racheter les
montres endommagees. A cette nouvelle, les chalands accoururent en
foule, et l'argent de ce pauvre logis s'ecoula bien vite; mais la
probite du marchand demeura a couvert. Gerande applaudit de grand coeur
a cette delicatesse, qui la menait droit a la ruine, et bientot Aubert
dut offrir ses economies a maitre Zacharius.
"Que deviendra ma fille?" disait le vieil horloger, se raccrochant
parfois, dans ce naufrage, aux sentiments de l'amour paternel.
Aubert n'osa pas repondre qu'il se sentait bon courage pour l'avenir et
grand devouement pour Gerande. Maitre Zacharius, ce jour-la, l'eut
appele son gendre et dementi ces funestes paroles qui bourdonnaient
encore a son oreille:
"Gerande n'epousera pas Aubert."
Neanmoins, avec ce systeme, le vieil horloger en arriva a se depouiller
entierement. Ses vieux vases antiques s'en allerent a des mains
etrangeres; il se defit de magnifiques panneaux de chene finement
sculpte qui revetaient les murailles de son logis; quelques naives
peintures des premiers peintres flamands ne rejouirent bientot plus les
regards de sa fille, et tout, jusqu'aux precieux outils que son genie
avait inventes, fut vendu pour indemniser les reclamants.
Scholastique, seule, ne voulait pas entendre raison sur un semblable
sujet; mais ses efforts ne pouvaient empecher les importuns d'arriver
jusqu'a son maitre et de ressortir bientot avec quelque objet precieux.
Alors son caquetage retentissait dans toutes les rues du quartier, ou on
la connaissait de longue date. Elle s'employait a dementir les bruits de
sorcellerie et de magie qui couraient sur le compte de Zacharius; mais
comme, au fond, elle etait persuadee de leur verite, elle disait et
redisait force prieres pour racheter ses pieux mensonges.
On avait fort bien remarque que, depuis longtemps, l'horloger avait
abandonne l'accomplissement de ses devoirs religieux. Autrefois, il
accompagnait Gerande aux offices et semblait trouver dans la priere ce
charme intellectuel dont elle impregne les belles intelligences,
puisqu'elle est le plus sublime exercice de l'imagination. Cet
eloignement volontaire du vieillard pour les pratiques saintes, join
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