l'horlogerie, jusqu'a lui, etait presque demeuree dans
l'enfance de l'art. Depuis le jour ou Platon, quatre cents ans avant
l'ere chretienne, inventa l'horloge nocturne, sorte de clepsydre qui
indiquait les heures de la nuit par le son et le jeu d'une flute, la
science resta presque stationnaire. Les maitres travaillerent plutot
l'art que la mecanique, et ce fut l'epoque des belles horloges en fer,
en cuivre, en bois, en argent, qui etaient finement sculptees, comme une
aiguiere de Cellini. On avait un chef-d'oeuvre de ciselure, qui mesurait
le temps d'une facon fort imparfaite, mais on avait un chef-d'oeuvre.
Quand l'imagination de l'artiste ne se tourna plus du cote de la
perfection plastique, elle s'ingenia a creer ces horloges a personnages
mouvants, a sonneries melodiques, et dont la mise en scene etait reglee
d'une facon fort divertissante. Au surplus, qui s'inquietait, a cette
epoque, de regulariser la marche du temps? Les delais de droit n'etaient
pas inventes; les sciences physiques et astronomiques n'etablissaient
pas leurs calculs sur des mesures scrupuleusement exactes; il n'y avait
ni etablissements fermant a heure fixe, ni convois partant a la seconde.
Le soir, on sonnait le couvre-feu, et la nuit, on criait les heures au
milieu du silence. Certes, on vivait moins de temps, si l'existence se
mesure a la quantite des affaires faites, mais on vivait mieux. L'esprit
s'enrichissait de ces nobles sentiments nes de la contemplation des
chefs-d'oeuvre, et l'art ne se faisait pas a la course. On batissait une
eglise en deux siecles; un peintre ne faisait que quelques tableaux en
sa vie; un poete ne composait qu'une oeuvre eminente, mais c'etaient
autant de chefs-d'oeuvre que les siecles se chargeaient d'apprecier.
Lorsque les sciences exactes firent enfin des progres, l'horlogerie
suivit leur essor, bien qu'elle fut toujours arretee par une
insurmontable difficulte: la mesure reguliere et continue du temps.
Or, ce fut au milieu de cette stagnation que maitre Zacharius inventa
l'echappement, qui lui permit d'obtenir une regularite mathematique, en
soumettant le mouvement du pendule a une force constante. Cette
invention avait tourne la tete du vieil horloger. L'orgueil, montant
dans son coeur, comme le mercure dans le thermometre, avait atteint la
temperature des folies transcendantes. Par analogie, il s'etait laisse
aller a des consequences materialistes, et, en fabriquant ses montres,
il s'imaginait avoir surp
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