dans l'isle de Malthe, deux chevaliers ayant aposte un esclave qui se
vantoit d'avoir le secret d'evoquer les demons, et de les obliger de
decouvrir les choses les plus cachees, ils le menerent dans un vieux
chateau ou l'on croyoit qu'etoient caches des tresors. L'esclave fit ses
evocations, et enfin le demon ouvrit un rocher d'ou sortit un coffre.
L'esclave voulut s'en emparer, mais le coffre rentra dans le rocher. La
chose recommenca plus d'une fois; et l'esclave, apres de vains efforts,
vint dire aux chevaliers ce qui lui etoit arrive, mais qu'il etoit
tellement affaibli par les efforts qu'il avoit faits, qu'il avoit besoin
d'un peu de liqueur pour se fortifier; on lui en donna, et quelque temps
apres, etant retourne, on ouit du bruit, l'on alla dans la cave avec de la
lumiere pour voir ce qui etoit arrive, et l'on trouva l'esclave etendu mort
et ayant sur toute sa chair comme des coups de canifs representant une
croix. Il en etoit si charge qu'il n'y avoit pas de quoi poser le doigt qui
n'en fut marque. Les chevaliers le porterent au bord de la mer, et l'y
precipiterent avec une grosse pierre pendue au col."
[Note 1: M. le chevalier Guiot de Marre.]
"La meme personne nous raconta encore a cette occasion qu'il y a environ
quatre-vingt-dix ans qu'une vieille femme de Malthe fut avertie par un
genie qu'il y avoit dans sa cave un tresor de grand prix, appartenant a un
chevalier de tres grande consideration, et lui ordonna de lui en donner
avis: elle y alla, mais elle ne put obtenir audience. La nuit suivante, le
meme genie revint, lui ordonna la meme chose; et comme elle refusoit
d'obeir, il la maltraita et la renvoya de nouveau. Le lendemain elle revint
trouver le seigneur, et dit aux domestiques qu'elle ne sortirait point
qu'elle n'eut parle au maitre. Elle lui raconta ce qui lui etoit arrive; et
le chevalier resolut d'aller chez elle, accompagne de gens munis de pieux
et d'autres instruments propres a creuser: ils creuserent, et bientot il
sortit de l'endroit ou ils piochoient une si grande quantite d'eau, qu'ils
furent obliges d'abandonner leur entreprise. Le chevalier se confessa a
l'inquisiteur, de ce qu'il avoit fait et recut l'absolution, mais il fut
oblige d'ecrire dans les registres de l'inquisition le fait que nous venons
de raconter.
"Environ soixante ans apres, les chanoines de la cathedrale de Malthe,
voulant donner au devant de leur eglise une place plus vaste, acheterent
des maisons qu'il fallu
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