bere de le tuer, ayans sceu qu'il devoit aller par
eau, il eust vision, en songe, que son pere lui amenoit deux chevaux, l'un
rouge et l'autre blanc; qui fust cause qu'il envoya louer deux chevaux, que
son homme lui amena, l'un rouge et l'autre blanc, sans lui avoir dit de
quel poil il les vouloit. Je lui demanday pourquoy il ne parloit a
l'esprit? Il me fit responce qu'une fois il le pria de parler a lui: mais
qu'aussi tost l'esprit frappa bien fort contre sa porte, comme d'un
marteau, lui faisant entendre qu'il n'y prenoit pas plaisir, et souvent le
destournoit de s'arrester a lire et escrire pour reposer son esprit et a
mediter tout seul, oyant souventes fois en veillant une voix bien fort
subtile et inarticulee. Je lui demanday s'il avoit jamais veu l'esprit en
forme. Il me dit qu'il n'avoit jamais rien veu en veillant, hors-mis
quelque lumiere en forme d'un rondeau, bien fort claire. Mais un jour
estant en extreme danger de sa vie, ayant prie Dieu de tout son coeur,
qu'il lui plust le preserver, sur le poinct du jour entre-sommeillant dit
qu'il apperceut sur le lict ou il estoit couche, un jeune enfant vestu
d'une robe blanche, changeant en couleur de pourpre, d'un visage de beaute
esmerveillable: ce qu'il asseuroit bien fort. Une autre fois, estant aussi
en danger extreme, se voulant coucher, l'esprit l'en empescha, et ne cessa
qu'il ne fust leve; lors il pria Dieu toute la nuict sans dormir. Le jour
suivant Dieu le sauva de la main des meurtriers d'une facon estrange et
incroyable. Apres s'estre eschappe du danger, dit qu'il ouit en dormant une
voix qui disoit: Il faut bien dire qui en la garde du haut Dieu pour jamais
se retire. Pour le faire court, en toutes les difficultez, voyages,
entreprises qu'il avoit a faire, il demandoit conseil a Dieu. Et comme il
priait Dieu qu'il lui donnast sa benediction, une nuict il fut advis en
dormant qu'il voyoit son pere qui le benissoit."
"Il y a, dit Bodin[1], un gentilhomme en Picardie, aupres de
Villiers-Costerets, qui avoit un esprit familier en un anneau, duquel il
vouloit disposer a son plaisir, et l'asservir comme un esclave, l'ayant
achete bien cher d'un Espagnol; et d'autant qu'il lui mentoit le plus
souvent, il jetta l'anneau dedans le feu, pensant y jetter l'esprit aussi,
comme si cela se pouvoit enclorre. Depuis il devint furieux et tourmente du
diable."
[Note 1: _Demonomanie_, liv. II, ch. III.]
Au recit de Paul Jove[1], Corneille Agrippa avait un chien
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